Polyvalent

Berbizier, ancien centre, pour l’ouvreur Cambé qui a évolué à l’aile. Avec Charvet, Mesnel et Blanco, qui évoluèrent à plusieurs postes durant leur carrière en bleu. La polyvalence est un don, ce que Wesley Fofana pourrait méditer.

Je trouve, de mémoire, sur la période que j’ai connue, Walter Spanghero, Benoit Dauga et André Herrero. Trois géants. Walter, c’est bien simple, il a joué pilier face à une province sud-africaine, deuxième et troisième ligne, à l’aile et au centre. Et j’explique à Abdel qu’une composition d’équipe n’est pas affaire d’envie personnelle mais d’imbrication de talents pour former un tout. Et que seul le tout est cohérent, quitte à ce que sa construction ne soit pas conforme à la logique commune.
Quand il fallait absolument inclure, dans les années 60-70, les quatre meilleurs attaquants du Championnat et que ces joueurs évoluaient tous les quatre au centre, Lux et Dourthe à Dax, Maso et Trillo au firmament, les sélectionneurs s’arrangeaient, lors de tournées dans l’hémisphère sud, pour composer une ligne de trois-quarts disposant de Maso à l’ouverture, Trillo et Dourthe au centre, Lux à l’aile. D’autres agencements virent aussi le jour. Mais l’important, c’était bien de les avoir tous les quatre en bleu.
J’ai vu aussi Jacques Fouroux déplacer l’ouvreur Didier Camberabero à l’aile pour disposer d’un buteur. C’était lors de la première Coupe du monde. Faire glisser Mesnel de l’ouverture au centre et retour. Imaginer aussi Gallion, demi de mêlée, au poste de trois-quart aile afin que ses jambes de feu trouvent l’espace nécessaire pour mouliner sans contrainte. Mais oublions un moment Furax tant son imagination débordante le poussa à pire : Le Tarbais Arthapignet, meilleur numéro huit du Championnat comme on parle du meilleur ouvrier de France, enfermé au talonnage le temps d’une lubie et Serge Blanco, le meilleur arrière du monde et sans doute de tous les temps, poussé à l’aile on ne sait pourquoi.
Plus près de nous, et sans chercher à être exhaustif, Pierre Berbizier avait fait de Jeff Tordo, troisième ligne aile de combat, son captaine-talonneur. On n’oubliera pas Emile Ntamack, qui se rêvait arrière, réaliser le meilleur de sa carrière internationale à l’aile. Et disputer le Mondial 1999 au centre, finale à l’appui. Sans remonter à André Boniface, que je n’ai pas vu jouer, la saga bleue est remplie d’histoires de ce type, de glissement de terrain, de déplacements de population. Et il faut se poser la seule question qui vaille : pourquoi ?
Parce qu’il y a des joueurs qui peuvent évoluer partout et d’autres qui sont ficelés à un poste; parce que les entraîneurs ont une vision de l’équipe que n’ont pas les joueurs qui la composent; parce que la réalité d’une équipe de club, forcément limitée, impose des configurations qui n’existent plus au très haut niveau, lequel est débarassé des contingences domestiques, des considérations d’effectifs ; parce que sur les sommets internationaux, les talents se mêlent autrement que dans la vallées du Championnat. Et parce qu’il y a des explications qui nous dépassent, tout simplement.
Ah, j’allais oublier… Quand Wesley Fofana, même pas dix sélections, regrette de ne pas jouer à son poste préféré en équipe de France il y a un Yoann Huget pour assumer avec le sourire le rôle d’arrière, en club et chez les Bleus, lui qui est un ailier par nature. Il y a deux ans et demi, quand Morgan Parra assume sans rechigner de se retrouver demi d’ouverture face aux All Blacks de Dan Carter, soit ce qui se fait de mieux au monde, alors qu’il a été choisi au départ pour évoluer à la mêlée, on dit : respect.
Epilogue. Dans les années 80, le SU Agen avait recruté Philippe Sella, tout en énergie brute, pour occuper le poste d’arrière. Il fit ses débuts internationaux à l’aile. Puis c’est au centre qu’il connut la renommée. On peut souhaiter deux choses à Wesley Fofana : la même carrière que Philippe Sella et le respect des hommes qui le sélectionnent. Car au final, au regard de l’histoire ovale, l’équipe de France ne rend grâce qu’aux joueurs qui la servent.

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