Il y a, bien sûr, tout l’attirail moderne. A commencer par des GPS placés dans le dos qui enregistrent les déplacements des joueurs sur le terrain à l’usage des coaches et des préparateurs physiques, Plus question de s’arrêter en match pour souffler un bon coup. A tel point que les joueurs se sentent obligés de passer leur temps de repos entre deux longues séquences à trottiner pour maintenir leur moyenne générale au-dessus des minimas olympiques.
On peut de plus compter sur la pince à gras. Piliers, talonneurs et deuxième-lignes se font tirer la couenne comme des Chippendales. C’est bien pour le calendrier. La mode, aussi, est aux gourous. A commencer par celui de Toulon. Un fameux loup, Darou ! Capable d’expliquer à Wilkinson qu’il faut partir un peu en vacances plutôt que de passer son temps à buter à l’entraînement. Résultat, il aurait mieux fait, le nouveau penseur de la Rade, de discuter un peu avec Delon Armitage et Lapeyre en prévision de ce qui fut, samedi, le fiasco d’Anoeta – une victoire du RCT à portée de pieds et de bras – et de filer aux canonniers de substitution la recette du bon but au piment d’Espelette.
On découvre chaque jour, depuis le 25 aout 1995 et la fin du rugby amateur, les inventions du sport professionnel au service du rugby. Vidéo, techno, psycho… Tenez, les Néo-Zélandais allèrent même jusqu’à préparer leur mêlée avec un spécialiste du ballet et la France associa les danseurs de l’Opéra Garnier aux sauteurs de Marcoussis pour élever la touche bleue vers des sommets. L’ironie, avec le recul, c’est de constater qu’en finale du Mondial 2011, la mêlée bleue enfonça celle des All Blacks mais que son alignement se fit transpercer par le milieu…
Heureusement, il reste la fameuse pression. Celle qui se calcule au bar. A un ami qui me demandait quelle était la formule du Racing-Métro pour monter de la onzième à la cinquième place du classement en huit matches (entre la 14e et la 21e journée du Top 14), je lui ai répondu de lire L’Equipe. L’édition du samedi 23 mars. Page 10. Tout en bas. Un verbatim du centre international Fabrice Estebanez, signé de mon confrère Frédéric Bernès. Tout y est dit. Des idées fortes exprimées avec des mots simples.
Où il est question de s’installer au bar pour y boire quelques coups entre partenaires plutôt que de cliquer sur l’azerty dans le hall de l’hôtel un soir de victoire sous peine de se retrouver remplaçant le match suivant. De valoriser ses coéquipiers au lieu de s’émerveiller de la composition, étoilée de stars, de l’équipe adverse. D’organiser régulièrement des déjeuners par ligne, les trois-quarts montrant l’exemple dans la grande tradition du Racing-Showbiz. Au final, l’impression que le rugby pro retrouve dans les «valeurs» du monde amateur qu’il a quitté matière à se ressourcer.
Franchement, j’aime assez l’idée qu’il faille se marrer un peu pour avancer ensemble. Aussi qu’il faille picoler en troisième mi-temps pour lâcher ce qui doit être dit et passer à autre chose sans malentendus. Des pratiques qui nous renvoient à l’essence de ce sport, grégaire, un sport où il faut rester au contact et se lier. Les packs d’airain et les attaques de génie se construisent souvent les coudes sur le zinc.
Tenez, voilà qui fait écho aux mauvais résultats du récent XV de France : Philippe Saint-André, quand il était capitaine des Tricolores, avait invité ses coéquipiers à vider une demi-pinte de bière dans un pub d’Edimbourg – c’était en 1994 – avant Ecosse-France. «La pression, il vaut mieux l’avoir dans l’estomac que sur les épaules», avait-il dit à ses partenaires, certains gênés de se retrouver à boire un coup la veille d’un match international. Le lendemain, la France l’emportait à Murrayfield après deux défaites dans le Tournoi. Allez, à la vôtre !