Impossible de remporter un test-match face aux champions du monde – et c’est la même chose contre l’Angleterre, l’Australie ou l’Afrique du sud – en commettant deux fois plus d’erreurs que l’adversaire. Il faut surtout être maso pour s’infuser encore et encore le dernier Nouvelle-Zélande – France, celui de samedi dernier, perdu 30-0 à Christchurch. Mais c’est à ce prix-là qu’il est possible d’apercevoir un début d’explication à cette défaite.
En première période, les Bleus ont commis 18 fautes. Technique individuelle défaillante, faute intentionnelle au sol, maladresse : tout l’arsenal de ce qu’il ne faut pas faire a été présenté en quarante minutes. Podium pour Maxime Machenaud (5), Louis Picamoles (4) et Dimitri Szarzewski (3). C’est donc bien, malheureusement, l’épine dorsale du XV de France, composée de son talonneur, de son troisième-ligne centre et de son demi de mêlée, qui a failli, mettant toute l’équipe sous pression.
Dans le même temps, les All Blacks ont lancé 6 combinaisons de jeu, échouant trois fois devant l’en-but tricolore (27e, 31e, 34e). Ils ont marqué un essai (4e) en contre sur un lancer bleu, ballon dévié puis vite utilisé dans le côté fermé. Elle aussi, l’équipe de France a lancé 6 combinaisons (5 après touche) pour une seule occasion franche (40e) terminée par un en-avant. Un handicap de seulement 10 points à la mi-temps, vu l’indigne déchet technique, c’était bien payé.En seconde période, l’équipe de France a initié 11 séquences de jeu, contre seulement 5 combinées par les All Blacks. Quant au nombre de fautes, de celles qui cassent le rythme, 11 côté français et 8 côté néo-zélandais, ce qui ne constitue pas un écart significatif, contrairement à la première période. On peut dire, sans risque de se tromper, que la France a pris le match à son compte, sans jamais fléchir, même en étant menée 30-0 au tableau d’affichage, ce qui peut, effectivement, faire dire au manager Philippe Saint-André que «les joueurs ont tout donné», y compris le bâton pour se faire battre.
Visiblement, personne ne parvient à comprendre pourquoi les Bleus en sont arrivés à prendre trente points secs alors qu’ils avaient laissé entrevoir des espoirs durant le premier test, à Auckland, perdu 23-13. Personnellement, après avoir analysé ce match jusqu’à m’en abîmer les yeux, je vois trois raisons qui peuvent expliquer cette défaite humiliante, sur le fond comme sur la forme. Les voici.
1-Trop de fautes individuelles, au moins 25, dues à un bagage technique défaillant, alors que les All Blacks furent deux fois plus précis dans leurs gestes. 2- Quatre décideurs (Szarzewski, Picamoles, Machenaud, Michalak) en dessous de leur niveau habituel. 3- Quatre actions de plusieurs minutes (39e, 45e, 74e, 79e) avec de nombreux temps de jeu, soit une énergie importante déployée pour conserver le ballon devant l’en-but kiwi, pour un bénéfice nul ; pis, deux essais en contre encaissés (49e, 77e).
Une seule de ces raisons (fautes, articulation pas huilée, inefficacité) est lourdement pénalisante au plus haut niveau. Alors, les trois ensemble, c’est le fiasco assuré. Au final, s’il y a matière à se réjouir de quelque chose, ce sera de performances individuelles, comme celles de Florian Fritz au centre, de Bernard Le Roux en troisième ligne, de Benjamin Kayser au talonnage, de Nicolas Mas, Luc Ducalcon et Vincent Debaty en piliers, sans oublier Thierry Dusautoir et de Yoann Maestri, qui ont beaucoup bataillé. Mais une équipe n’est pas l’addition de quinze joueurs. C’est bien plus que cela. Et c’est ce que Philippe Saint-André et ses deux adjoints ne sont pas encore parvenus à réaliser : élever le XV de France au-dessus de la somme des parties qui le composent.