Au revoir en Afrikaans. Parce qu’Habana et Kruger (ci-dessus), ainsi que Steenkamp, Steyn et Vermaak sont repartis disputer le Four Nations après avoir découvert rapidement le Top 14, le week-end dernier, histoire de faire courir leur contrat dès le début septembre plutôt qu’à la fin octobre. Avisés et disponibles, les Sud-Africains. Polis, aussi. Comme en témoignent les quelques phrases prononcées à Grenoble par Bryan Habana au micro de Canal + une fois ses dix minutes de match terminées. «Ce n’est évidemment pas le départ rêvé pour mon premier match avec Toulon. Je tiens à féliciter l’équipe de Grenoble, qui a vraiment fait un super match. De notre côté, on a été sous pression une bonne partie de la rencontre et ce n’est jamais l’idéal pour l’emporter. Mais on apprend toujours de ce genre de défaites et nous allons en tirer les leçons pour rebondir rapidement.»
Je lui tire mon chapeau parce que, personnellement, après m’être rendu une demi-douzaine de fois en Afrique du sud depuis 1994, je suis incapable de prononcer la moindre phrase intelligible en afrikaans. Habana, lui, en grand professionnel, a déjà donné beaucoup en très peu de temps. Dix minutes de jeu, donc, quatre phrases en Français, un gros sourire, deux ballons touchés mais surtout vingt-quatre heures d’avion pour rejoindre Brisbane (Australie). Sans compter le vol aller en plusieurs étapes depuis Mendoza (Argentine). Le bilan carbone de Bryan Habana en Top 14 est une catastrophe. Mais son transfert à Toulon une bénédiction médiatique. Seuls Tana Umaga et Frédéric Michalak ont fait aussi bien que lui sur la Rade, c’est peu dire.
Dans les années 60-70 – j’étais un gamin mais j’allais de temps en temps avec mon père voir jouer Valeriu Irimescu avec Angoulême au stade Chanzy – les clubs en difficulté faisaient appel aux Roumains pour les dépanner. Puis dans les années 80, ce fut au tour des Italiens d’intégrer le Championnat, et en 90 les Georgiens. La dernière décennie a vu l’afflux d’Argentins dans le Top 16, puis 14. Aujourd’hui, ce sont les Sud-Africains qui colonisent le rugby français. Ils sont quarante-trois (j’ai pu en manquer quelques-uns, merci Jérémy, Novak et Pipiou) en comptant les deux nouvelles recrues toulousaines. Et en excluant Daniel Kotze, Bernard Le Roux et Antonie Claassen, membres du Quinze de France à part entière, même si c’est avec des fortunes diverses.
On peut s’amuser, ici, à composer une équipe-type. Voici la mienne : Pietersen (Biarritz) – Habana (Toulon), Olivier (Montpellier), Bosman (Paris), Swanepoel (Brive) – (o) Steyn (Paris), (m) Vermaak (Toulouse) – Van Niekerk (Toulon), Cronje (Racing-Métro), J. Smith (Toulon) – Botha (Toulon), Kruger (Racing-métro) – Van Straden (Biarritz), Ralepelle (Toulouse), Steenkamp (Toulouse). Avec ces quinze, les Springboks pourraient remporter le Four Nations. Le banc des remplaçants est musclé, lui aussi : H. van der Merwe (Paris, pilier gauche), Jenneker (Oyonnax, talonneur), Buys (Brive, pilier droit), Rossouw (Toulon, 2ème ligne), Vosloo (Clermont, 3ème ligne), Claassens (Toulon, demi de mêlée), Barnard (Oyonnax, ouvreur), Rudi Coetzee (Grenoble, centre).
Ce qui laisse encore en réserve Muller, Senekal, Gerber et Janse Van Rensburg (Bayonne), Beukes et Roodt (Grenoble), Hume (Clermont), Mostert (Paris), Kockott, Wannenburg, M. Coetzee et Bornman (Castres), Duvenage et Mjekevu (Perpignan), Hauman et Barnard (Brive), F. Van der Merwe (Racing-Métro), Marais (Bordeaux), Van der Heever et Ferreira (Toulouse). Une simple addition prouve que le Top 14 s’est afrikaanisé. Et personne n’a de compte à rendre. Chaque club à son sud-af, voire plusieurs, et c’est normal puisque sous contrat avec leur fédération, ils ne sont pas bien payés, voire même pas du tout. Main d’œuvre corvéable, à disposition, formée au combat et aux chocs, utilisable immédiatement, et qui ne demande que ça tellement les temps sont durs, au pays, entre deux Super 15. Et même pendant le Four Nations.
Du coup, le Top 14 va petit à petit changer de peau. Regardez le jeu sud-africain, direct, frontal. Jeu d’épuisement, avec certes ses fulgurances, mais plus rares que les coups de boutoir sur la ligne de front. Après la Roumanie, l’Italie et l’Argentine, voici l’ère bok. A bloc. Pas de demi-mesure. Une quarantaine de gaillards lancés cette saison et on peut en attendre davantage à mesure que vont se s’additionner les jokers médicaux au fil de la saison. Je n’ai pas, volontairement, parlé de la ProD2, mais Jacques Naude et Jacobus Kemp ont été choisis respectivement capitaines de Dax et d’Aurillac. Un signe qui ne trompe pas. Il va falloir commencer à apprendre autre chose que bonjour et au revoir, à ce rythme-là.