L’épicentre du rugby se trouve maintenant au nord, très au nord, si l’on considère les critères ovales historiques qui ne prennent pas vraiment en compte le fait que la région parisienne est un creuset majuscule. Et si on veut être encore plus précis, il suffit de parcourir la liste des trente joueurs appelés en stage fin janvier par Philippe Saint-André pour constater que le premier rebond bleu tombe à Jean-Bouin.
Le pilier Rabah Slimani, 24 ans ; le deuxième-ligne Alexandre Flanquart, 24 ans ; l’ouvreur Jules Plisson, 22 ans ; l’arrière Hugo Bonneval, 23 ans. L’avenir du XV de France en culotte courte s’ébroue Porte de Saint-Cloud, c’est une évidence. Encadré par un éternel espoir, Antoine Burban, 26 ans, et l’ex-capitaine tricolore, Pascal Papé, 33 ans, figure tutélaire.
Il n’y a pas de bons becs qu’à Paris, reçoit-on de province. C’est sans doute pour ne pas froisser ceux qui s’expriment en langue d’oc que le staff tricolore, présidé par le catalan Jean Dunyach, installera ses quartiers d’hiver à Canet-en-Roussillon. Histoire aussi d’éviter que trois semaines à Marcoussis, du 19 janvier au 9 février, se transforment en roupillon.
Alors, François Trinh-Duc, là-dedans, me direz-vous ? Et bien si vous voulez voir du jeu, allez à Montpellier. C’est ce que disait le Tarnais Lucien Mias quand on lui parlait de Lourdes dans les années 50. Le héros de l’Hérault n’entre pas dans les plans de PSA. Ou alors pour un plan de départ à la retraite anticipée. Promu par Lièvremont pendant trois saisons contre l’avis de tous, puis dégradé lors du Mondial 2011 alors qu’il était à l’acmé de son talent, le voilà crucifié par Saint-André après un an d’essai. Ca ressemble fort à un désaveu.
Sans remonter à Dédé Boni et Jo Maso, les grands parias du Quinze de France ont toujours fini par s’imposer comme des évidences, que ce soit Laurent Cabannes, Alain Penaud, Fabien Galthié ou Frédéric Michalak. Il faudra juste, concernant François Trinh-Duc, qu’il arrête dans un premier temps de se faire intercepter ses passes et qu’il continue d’inscrire en club des buts de pénalité dans le money-time.
Il y a sans doute aussi autre chose, une difficulté à s’inscrire dans le jeu bleu tel que voulu par Patrice Lagisquet, cette incapacité à rassurer ses partenaires et parfois à les trouver à ses côtés, l’impression, sans doute fausse, qu’il donne de se placer au-dessus des contingences. Rien de rédhibitoire quand ça gagne. Sauf que l’équipe de France a besoin de certitudes à la charnière, c’est historique, pas de solistes, aussi géniaux soient-ils.
Ronald Poulton-Palmer, le plus brillant ouvreur anglais d’avant l’ère moderne (Barnes, Andrew, Wilkinson), s’étonnait de ne pas être le premier choix de ses condisciples de l’université d’Oxford. Quand il leur posa la question de savoir pourquoi il n’était pas titulaire, il s’entendit répondre : « Tu es sans aucun doute le meilleur d’entre nous, mais nous jouons mieux sans toi. » C’est aussi ce que Pierre Berbizier, qui connait ses classiques, avait rétorqué à Penaud, au début des années 90.
En rugby, sport collectif, une équipe n’est pas la somme de talents. Il y a des liens qui comptent, des affinités qui pèsent. On se souvient de la Berjallie (Bonnaire, Papé, Nallet, Parra) prenant le pouvoir du jeu et des tripes lors du Mondial 2011. PSA, en appelant une nouvelle vague très parisienne (j’ajoute Kayser, Bastareaud, Szarzewski, Le Roux, Machenaud, Fofana, dont les racines ou les ailes sont franciliennes), tisse, début 2014, une nouvelle fibre. Capitale.