Nationale

Tout peut s’éteindre du jour au lendemain. Ce fut malheureusement le cas pour d’autres sports collectifs qui virent leurs diffusions disparaitre d’un seul coup du paysage télévisuel. Pour l’instant, le rugby surfe toujours sur la vague, et ce depuis la création de Canal. Mais rien n’indique que cette manne financière, cet éclairage médiatique et cet impact économique soient fait pour durer éternellement.
On voit déjà des tensions poindre. Canal et BeIN souhaitent couper la plus grosse part du gâteau pro et se poursuivent jusque que dans les cours de justice ; France Télévisions n’est pas très enclin à relancer au même tarif la Coupe d’Europe depuis que celle-ci a changé, cette saison, de gouvernance. Comme le dit Paul Goze, président de la LNR à l’origine de ces deux remises en question : «Tout peut s’arrêter !»
C’est bien pour cela qu’il est utile de changer avant que les événements ne vous y obligent. Ainsi, la semaine dernière, au fil d’une croisière – ma foi très agréable et en bonne compagnie – en bateau-mouche sur la Seine, et après avoir présenté le Championnat de ProD2, le patron du rugby pro, en verve de confidences, nous a avoué avoir en projet l’articulation de trois championnats d’élite.
Quarante-deux clubs formeraient les trois derniers étages du rugby français. Quatorze dans l’élite : là, rien ne bougerait. En revanche, dans l’optique d’harmoniser ces trois divisions, il conviendrait de retrancher deux clubs en ProD2, et de créer une « Nationale » comprenant les quatorze meilleurs clubs de Fédérale 1, ces trois divisions ayant pour objectif de couvrir le plus largement possible l’hexagone.
Contrairement au football, au basket et au handball, ses concurrents médiatiques, le rugby d’élite n’est pas achalandé sur tout le territoire. Son ADN trouve sa source dans le Sud-Ouest, zone historique dont les angles se situent à Brive, à Bordeaux, à Biarritz et à Perpignan. Tracez ce rectangle et comptez ensuite le nombre de clubs compris dans sa surface.
En revanche, c’est bien la limite d’Ovalie que de ne pas exister au plus niveau en Bretagne, dans le Nord, en Normandie et en Alsace-Lorraine, par exemple. C’est pourquoi la FFR et la LNR se penchent sur le sujet. Certes, la résolution ne sera pas trouvée, votée et mise en œuvre avant cinq ou six ans, mais l’avenir du rugby de haut niveau en France passera, inéluctablement, par un élargissement de ses frontières.
Nantes, Rennes, Rouen, Caen, Le Havre, Lille, Arras, Strasbourg : le rugby doit rebondir au plus haut dans ces villes-là. La mutation économique est aujourd’hui validée, avec l’essor du Racing-Métro, de Toulon, du Stade Français, de Montpellier, de Bordeaux et de Lyon, adossés aux clubs historiques que sont Toulouse, Clermont, Brive, Grenoble, Bayonne et Castres.
Reste à effectuer un glissement géographique en direction du nord, de l’ouest et de l’est. Si aujourd’hui ce projet devait prendre forme, la «Nationale» dont on parle serait composée de Massy, Aix, Lille, Aubenas, Nevers, La Seyne, Macon,  Bourg et Vannes, de quoi capter de nouvelles zones, Tyrosse, Montauban, Auch, Périgueux et Lannemezan ancrant cette division d’élite des clubs de Fédérale 1.
Le Top 14 et son chapelet de stars venues d’ailleurs se trouve actuellement au zénith de la notoriété. La ProD2 mise, elle, sur les clubs titrés pour (re)dorer son image. Dans ce sillage, il n’est pas irréaliste de créer un sas pour les plus ambitieux du secteur amateur, sous tutelle de la FFR, afin qu’ils puissent intégrer dans les meilleurs conditions le secteur professionnel, sous l’égide, lui, de la LNR. Aider de nouvelles pousses à grandir est un pari pour l’avenir. Vital.

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