Forcément, considérant l’annonce jeudi 15 janvier du premier groupe bleu en année Coupe du monde, nous regarderons la seizième journée de Championnat avec une focale particulière. Et il ne serait pas étonnant que les différents entraîneurs du Top 14 concernés par ces trente alignent leurs forces vives en appréciant cet événement. Car c’en est un.
On jaugera les états de forme, on jugera des performances, on étalonnera tel ou tel exploit à l’aune du classement. Mais pour tout vous dire, connaissant Philippe Saint-André, il serait étonnant que ses choix, et par ricochet ceux de ses adjoints, Yannick Bru et Patrice Lagisquet, soient influencés par les aléas et l’écume du Top 14, aussi spectaculaires qu’ils soient.
Par rapport à la liste du précédent stage préparatoire (26-29 octobre 2014), le pilier toulonnais Xavier Chiocci, les flankers Virgile Bruni et Yacouba Camara, ainsi que l’arrière-ailier montpelliérain Benjamin Fall pourraient perdre leur statut de l’automne et laisser place à d’autres ; mais rien n’est moins sûr, PSA appréciant de conserver un groupe une fois qu’il en a arrêté la liste.
Reste que ce serait dommage de se priver des belles révélations écloses depuis deux mois dans le Championnat, comme ces inoxydables troisièmes-lignes ailes que sont le Bordelais Louis-Benoît Madaule, et les Rochelais Loann Goujon et Kevin Gourdon. On peut aussi évoquer le tranchant du centre parisien Jonathan Danty, la puissance de l’ailier castrais Rémy Grosso et l’activité du pilier d’Oyonnax Antoine Tichit. Autant de joueurs qui ont su se faire un nom.
Cette liste des trente pour le stage en Roussillon pourrait aussi être l’occasion de lancer l’athlétique deuxième-ligne d’Oyonnax Thibault Lassalle, que les sélectionneurs ont ciblé depuis déjà plusieurs mois, tout en redonnant une chance à ces fusées que sont le centre toulousain Gaël Fickou, le troisième-ligne aile clermontois Alexandre Lapandry et le pilier francilien Eddie Ben Arous.
Poursuivant cette revue d’effectif non-exhaustive, vous n’avez pas été sans remarquer le retour au premier plan des grands absents des dernières sélections, à savoir le pilier gauche de l’ASM, Thomas Domingo, le demi d’ouverture du Stade Français, Jules Plisson, et le troisième-ligne toulousain Louis Picamoles. Ces trois-là (re)montent en puissance au meilleur moment.
Aujourd’hui, c’est déjà demain. 20XV année ovale, année mondiale. D’expérience, le XV de France ne se construit qu’au dernier moment, dans la douleur, dans l’exagération, parfois même dans les crises. On se souvient de 1999 et de l’irruption de Fabien Galthié en phase finale ; de 2011 marqué par la révolte des «enfants gâtés» de Lièvremont. Alors, que nous réserve 2015 en bleu ?
Une bouillie comme en 1991 ? Une énorme frustration à l’image de 2007 ? Une déconvenue pluvieuse comme en 2003 ? Quelque chose d’autre, que nous ne pouvons imaginer aujourd’hui ? En rugby – je l’écrivais la semaine dernière – la réalité nous offre souvent bien mieux que la légende. Mais quand elle nous plonge dans l’ornière, et c’est le cas depuis peu, la boue est vraiment épaisse. On voit avec quelle délectation chacun tombe sur le dos de Galthié, démis de ses fonctions à Montpellier et donc fragilisé, critiques virulentes en voix «off», masquées la plupart du temps car bien entendu c’est le courage qui manque le plus.
C’est bien la plaie de notre début de siècle que l’anonymat derrière lequel n’importe qui peut se cacher pour jeter n’importe quoi ici ou là. Ça me rappelle les coups de pompes sur joueur au sol d’avant l’arbitrage vidéo. Alors comme ça, Galthié ne vaudrait plus rien ? Parce qu’un propriétaire a viré l’artiste de scène après l’avoir recruté, l’écartant avec autant de délicatesse qu’un équarrisseur face au pur-sang à l’abattoir ? Pauvre rugby devenu ferme des animaux, Altrad ouvrant son bestiaire pour nous montrer son coach champion du monde mis en bière dans la chaussure du président du syndicat des joueurs pros. Ainsi va ce jeu, en manque de héros : à la petite semelle.