Les vitamines du bonheur

Il y a des semaines où tout arrive. En blog. Comme par exemple des pilules à côté de votre assiette et des starlettes invitées à votre anniversaire. Un grand moment de honte, aussi, pour tout ce qui est en bleu et ovale. Et puis revient le Top 14, histoire de bien déséquilibrer le calendrier des cadences infernales et de nous replonger dans la quadrature du cercle ovale. Mais comment parvenir à faire émerger une cohérence quand le buzz rebondit dans tous les sens hors de l’essence ?
Le rugby est un grand sport. Parvenir à survivre à l’attaque frontale et simultanée de ces virus tient vraiment du prodige. Qui a dit que William Webb est lisse ? Pas tant que ça. Je le trouve robuste. Quand on a vu l’Irlande opposer ses vertus – combat et intervalles – à l’Angleterre, on ne peut être que rasséréné sur l’esprit  qui flotte sur le remugle qu’on veut nous faire prendre pour du professionnalisme.
Nous avons donc trinqué à Jean Prat, les valeurs qu’il prônait et transmettait, à savoir le «plaisir des mains et des yeux». Nous étions liés et c’est vraiment un grand plaisir que de savoir qu’une bande d’internautes se retrouve dans ce Côté Ouvert pour célébrer le meilleur, ce mystère rugby dont les tenants et les aboutissants nous échappent bien souvent. Dressez haut la poutre maîtresse, charpentiers !
Nos Bleus pâles ne pourraient-ils pas avaler les vitamines du bonheur ? Ça ferait du bien à tout le monde. Nous avons du mal à en rire car verts de rage après ce match foireux ; mais c’est mieux que d’en pleurer, mon avis ne valant pas davantage que celui d’un cochon de payant qui a dépensé trois cents euros pour «monter» à Paris. J’avais l’idée de demander aux Tricolores de verser leurs primes de match et de présence à une fondation caritative. Au moins, leur «je» prendrait du sens.
Où trouvez-vous vos vitamines du bonheur, ami(e)s de ce blog ? Les miennes sont rouges gallois et vertes comme l’Irlande. Elles sont aussi dans Le Bouc émissaire, un des arides ouvrages de René Girard – le philosophe, pas l’équarisseur de Vauvert, hein ? Le soir, depuis le début de ce Tournoi, je m’en infuse trois à quatre pages, pas davantage, parce qu’il me faut le temps de tout comprendre puis d’assimiler, mais ça me parle quand Saint-André s’exprime.
Je réécoute aussi, presque en boucle, la Neuvième de Beethoven et j’aimerais que le XV de France joue ainsi, l’âme à la joie. Et qu’elle demeure. Je vais voir Les Nouveaux Sauvages, conseillé au trio un peu maso PSA-Bru-Lagisquet. Ils y sont allés. Lagisque avait le sourire en sortant. Il l’a perdu depuis, anéanti dimanche soir dans le hall du Grand Hôtel après la pathétique performance (sic) de sa ligne de trois-quarts.
Précision : je lis partout et souvent le mot «prestation» pour évoquer ce qui est une «performance». Existe-t-il une «prestation sportive ?» Cette association limite zeugma m’interpelle. Prestation, ça fait devis, services, intervention, travaux… Performance, en revanche, s’interprête sport. N’est-ce pas, justement, parce qu’il n’y a plus de performance, dans ce XV de France, que la prestation s’impose ? Du néo-langage à l’usage des maux contemporains. En attendant de vous mener à Rome, j’espère que ce petit groupé pénétrant de mots vous aura rendu la pilule moins amère.

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