Il faudra un classement de l’envie, avec point de bonus offensif pour les troisièmes mi-temps et défensif pour les nuits blanches et petits déjeuners au lever du soleil, plutôt que de hiérarchiser les clubs en fonction de leur budget prévisionnel. On trouverait Oyonnax en tête, et sans doute La Rochelle juste derrière. Je miserai aussi sur le Stade Français quand on voit à quel point les anciens et les nouveaux parisiens ont apprécié se retrouver en amont et après de la der de Pierre Rabadan et de Jérôme Fillol.
On n’oubliera pas les Agenais sur ce coup : ils ne se sont pas couchés de bonne heure dimanche et ont fêté comme il se doit leur qualification en finale d’accession en Top 14. Tant pis pour la récupération. Pourquoi ceux-là ? Parce qu’ils ont faim de rugby, faim de victoire, faim de sensations. Parce que le week-end dernier, on a retrouvé l’esprit de la phase finale, mais surtout l’envie de s’envoyer, comme ils disent.
La Rochelle battu sur son terrain à quelques secondes de la fin retourne le Racing Métro comme une crêpe sur la dernière mêlée. Pénalité, match nul, qui est une sorte de victoire pour ce club désormais assuré de se maintenir dans l’élite. Quel bonheur à partager que ces 15 000 supporters en liesse, plantant leurs drapeaux jaunes comme des genets sur la falaise ; quel exploit que d’assurer un lien ovale dans ce secteur enclavé qu’est la Charente-Maritime, à l’écart des grandes routes de l’élite. Quelle force mentale dans l’épreuve de force collective qui scelle en milieu de tableau une saison difficile.
A l’autre extrémité Oyonnax bouleverse la hiérarchie. Oyonnax et ses sans-grades, ses oubliés, ses laissés-pour-compte et ses revanchards. Oyonnax dont le jeu faisait l’admiration du coach des avants tricolores, Yannick Bru, au point que l’ancien capitaine bleu fit un crochet par le Haut-Bugey pour demander à Christophe Urios comment il s’employait à faire si bien avancer son pack, comment il était parvenu à mettre en place cette dynamique de l’axe.
Le Stade Français avait perdu son bonus offensif et quand on sait à quel point les suppléments comptent dans ce Top 14 serré comme jamais, il était crucial pour envisager une qualification directe en demi-finale. Les Parisiens avaient match gagné mais ils sont allés chercher aux tripes un dernier essai. Pour que la fête offerte à leurs copains Rabadan et Fillol soit belle et complète. Têtes baissées, épaules serrées, machoires crispées, ils se sont rués vers l’en-but héraultais et quand Burban a marqué, délivrance, j’ai eu l’impression qu’ils étaient quinze, ensemble, à avoir plongé.
Dimanche, dernier un record a été battu. Celui de l’essai le plus long de l’histoire du rugby. 130 mètres en solitaire. Relance-débordement signée par l’ailier canadien Taylor Paris. Du milieu de son en-but côté gauche jusqu’aux pieds des poteaux catalans par le grand tour. Dans le plus pur style agenais fait d’inspiration, de liberté et de précision. Record battu parce qu’il me semble que le précédent était détenu par Serge Blanco, à Brisbane, en 1990, lors du deuxième test, cent mètres en solitaire, d’un en-but à l’autre, le long de la ligne de touche.
Pour finir, dimanche, l’équipe bis (ou ter) de Toulon alignée à Marcel-Michelin m’a emballé. Vraiment. Pas de restriction, des passes, des attaques incessantes. Cette équipe improvisée et composée de non-titulaires a prouvé que le jeu était le meilleur des ciments, que Toulon avait de la réserve, des jeunes prometteurs et des remplaçants des remplaçants qui méritaient amplement de disputer davantage qu’un match dans la saison. Ils avaient faim de reconnaissance et faim de jeu.
Seul bémol, apprendre ce midi que le président de Bayonne a été menacé de mort par des supporteurs (sic) bayonnais à cause de son projet de fusion. Pire, à l’école, son petit-fils de sept ans menacé lui aussi. Manu Mérin démissionnera sans aucun doute à l’issue du dernier match de la saison. Je le comprends. Comme j’avais compris Frédéric Michalak fermant son compte Twitter après avoir reçu un flot d’insultes pour une raison oubliée. Les hystériques, les obtus, les fatigués qui pensent qu’aimer est un excès font davantage de mal au rugby que de bien.
Quant à la liste des 36, (quid des orfèvres ?), nous avons toute la semaine pour l’évoquer. Avec ou sans Paris.
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