Un poil trop court

Samedi c’était rugby. Solide, ce quinze août. La température monte et à quatre semaines du Mondial, pour le coup, si les tendances se dégagent elles n’indiquent pas toutes la même direction. Que retenir ? Qu’une grande équipe ne commet jamais deux fois la même erreur. Et qu’une nation de milieu de tableau est incapable de rééditer un exploit. C’est ce qui fait que les Néo-Zélandais et les Sud-Africains se retrouvent en pole position. Ils n’ont pas course gagnée pour autant mais avoir quelques mètres d’avance, ça ne fait pas de mal, se disent-ils.
Battus par l’Australie et l’Argentine, All Blacks et Springboks ont su renverser la situation et sortir de ce week-end en vainqueurs. Pas tant sur le score que sur le fond. Ils ont retrouvé leur rugby quand les autres prétendants -Australie, France, Angleterre – n’ont pas encore sécurisé, totalement ou partiellement, le leur. Ils ont su soigner parfaitement les petits détails avant de s’emballer pour les grandes options. C’est ce que disaient Richie McCaw et Heyneke Meyer la veille de leurs tests respectifs.
McCaw devait récolter des lauriers à l’issue de la Bledisloe Cup, gagnée ou perdue. Il a ceint la couronne, le trophée dans les mains. A lui le record du monde des sélections, de toutes sélections, parce qu’on sait que les Anglo-Saxons aiment compliquer les choses. Porter le maillot national ne suffit pas, ils ajoutent aussi les Lions britanniques et d’Irlande. Je pensais que George Gregan détenait le précédant record (139 apparitions avec l’Australie) et bien non. C’est Brian O’Driscoll qui présentait l’addition (142 en comptant 8 matches avec les Lions).
Meyer, lui, en avait gros sur la patate. Traité de « raciste » par quelques membres du Congrès des syndicats sud-africains, trahi par cinq de ses joueurs noirs et métis – on n’a pas cherché à avoir les noms -, jugé coupable de ne pas sélectionner selon la couleur de peau et de faire confiance à ses meilleurs joueurs au point d’aimer aligner son équipe type à (presque) tous les matches, il a (dé)montré à ceux qui préfèrent séparer que réunir qu’il est possible de vaincre sans se renier, d’envoyer du jeu et d’assumer ses convictions.
Des convictions, je ne suis pas persuadé que le XV de France, en possède beaucoup après cette défaite, la énième, à Twickenham face à une équipe anglaise bis expérimentale. Du muscle ils en ont fait, les Tricolores. Du gras ils en ont perdu. Pour ça, soulever de la fonte, frapper du pneu, griller des calories à vélo en allant chercher des watts comme Froome. Mais sur le bout des doigts, dans les mains, dans le regard qui précède la passe, dans la course sans ballon, la défense en bout de ligne, dans le plan de jeu, qu’ont-ils ?
Ce n’est pas en plaçant trois arrières en fond de terrain qu’on construit des relances et qu’on verrouille les espaces le long de la touche. Dulin a pris un cad-deb qui va le hanter longtemps, Fickou a défendu comme un centre exilé et d’un petit par dessus les Anglais se sont ouvert la zone extérieure. Trois essais encaissés, un seul marqué, en force et en supériorité numérique. « Le monde à l’envers », ironisait Start Barnes, l’ouvreur anglais de poche devenu commentateur, ami du French Flair et curieux de nos ballons portés qui, s’ils ne sont pas ces horribles ballons par terre, ressemblent au rugby de moissonneuses anglaises (Leonard, Richards, Skinner, Dooley, Ackford, Teague) modèle 1991. Cela dit, si ça peut nous envoyer en finale contre l’Australie, hein ?

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