Miscellanées

Avant d’affronter samedi prochain l’Italie à Twickenham pour l’ouverture de leur Coupe du monde, les Tricolores sont désormais installés à Croydon, au sud de Londres. Bel hôtel mais triste bourgade. Pour patienter avant coup d’envoi, voici quelques souvenirs et anecdotes à partager. Peu de gens savent, par exemple, qu’en 1987 le contrat de sponsoring liant la RWCup Ltd et KDD, géant nippon du câblage sous-marin, n’a été signé que trois heures avant le début de la cérémonie d’ouverture, à l’Eden Park d’Auckland.
Marcel Martin, Monsieur Coupe du monde, m’avoua aussi avoir dormi pendant la durée de la compétition avec le trophée Webb Ellis plaqué or sous son lit, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Certains hôtels n’avaient pas de coffre-forts assez grands pour abriter la coupe.
Deux jours après la victoire des All Blacks en finale face à la France, l’ailier Craig Green fut aperçu sur le toit d’une maison, à Christchurch. Il fêtait son titre, une mousse à la main ? Non, il alignait les tuiles. Couvreur de métier, il avait pris un congé sans solde durant les sept semaines de compétition et retrouvé ensuite le chemin des chantiers.
C’est une question à poser qui peut vous faire gagner des paris. Qui est le meilleur buteur de l’édition 1991 ? L’ouvreur irlandais Ralph Keyes. Il avait effectué des débuts internationaux en 1986 avant de revenir cinq ans plus tard pour disputer la Coupe du monde. Seize buts, deux drops et sept transformations. 68 points. Le plus faible total jamais enregistré pour un top réalisateur en Coupe du monde. En suivant, après trois matches dans le Tournoi, il disparut comme il était venu.
En 1995, fier des performances tonitruantes de son jeune compatriote Jonah Lomu, le roi du Tonga, Tupu IV, profita de la montée hors des eaux d’un volcan en plein Pacifique pour le baptiser du nom de cet ailier all black, dont la famille est originaire de Nuku’alofa.
Cette année-là, une compagnie pétrolière s’était fait une mauvaise publicité en annonçant un don de 2 000 francs (ce serait l’équivalent de 1 000 euros aujourd’hui) serait versé à la fédération sud-africaine pour aider au développement du rugby dans les townships chaque fois que Lomu serait plaqué et mis au sol lors de la finale. Résultat : boycott immédiat des stations Shell en Nouvelle-Zélande et marche arrière du pétrolier dans la journée.
En 1999 se déroule la première édition «professionnelle». Surprise, Rod Macqueen, l’entraîneur des Australiens victorieux du trophée Webb-Ellis, n’a aucun passé rugbystique. Il a introduit les staffs pléthoriques à plus de vingt techniciens et l’usage systématique de l’ordinateur portable pour les joueurs mais dans la vraie vie, il construit et décore des magasins de fleurs et des parfumeries.
Désormais les internationaux sont gainés, bodybuildés et suivis ; tracés, même, au GPS. Tous, sauf une poignée d’irréductibles anglais, qu’on appelle «les cadres», des trentenaires qui jettent leurs derniers feux dans le Mondial. Soucieux de se ménager durant la phase finale, ils déposent et obtiennent deux requêtes auprès de leur manager, Clive Woodward : titulariser Mike Catt au centre pour épauler Jonny Wilkinson qui peine à gérer le jeu et alléger les entraînements. En effet, Leonard, Hill, Johnson et compagnie ne souhaitent pas gaspiller leur énergie à courir sous le soleil austral. Un choix écologique qui s’avère payant puisqu’ils décrocheront le titre mondial.
Quatre ans plus tard, révélations du Mondial disputé en France, les Argentins annexent le casino d’Enghien. Sur le petit parking situé derrière leur hôtel et réservé au personnel, ils installent un cadre de lit en fer et l’utilisent pour faire rôtir deux fois par semaine des demi-bœufs, à la façon des gauchos. Familles et amis sont invités.
En 2011, une autre invitation circule, mais à garder le secret, celle-là. Deux semaines avant la finale, Richie McCaw souffre d’une fracture de fatigue du gros orteil et d’une entorse de la cheville droite. Mais il tiendra sa place. Avant la finale, il prend néanmoins en plein cœur la «flèche» construite par les joueurs français en réponse au haka. Cette formation en pointe est le seul symbole capable de contrecarrer l’effet haka des All Blacks. C’est en tout cas de cette façon que certaines tribus guerrières répondaient aux chants de guerre de leurs adversaires. L’un des policiers néo-zélandais chargés de la protection du XV de France a confié ce secret à Thierry Dusautoir.
Que nous réservera l’édition 2015 ? Qu’aimerons-nous en garder, au-delà des scores et des classements ? C’est pour le savoir que j’ai hâte d’être sur place. A mardi donc. Ceux qui aiment mêler littérature, philosophie, ovalie, cinéma, musique et oenologie pourront aussi me suivre au quotidien pendant sept semaines sur Comme Fou.

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