La BBC n’a pas montré une seule image de la victoire du XV de France, 41-18, sur le Canada, jeudi soir. Pas assez glamour, rien de couleur locale. Il n’y en a que pour l’Angleterre en plein doute, le Pays de Galles dans l’ivresse et des Fidjiens retrouvés au meilleur de leur flair en gagnant aussi – formés au Premiership, Super Rugby et Top 14 – l’impact en mêlée. Que ces damnés Froggies se baladent avec trois victoires en autant de matches quand les sujets de sa Gracieuse sont au bord de quitter leur Mondial par la porte du garage fait grincer des incisives du côté de Richmond.
Cinq essais, le bonus offensif donc, face aux Canadiens ? Mission presque remplie. Philippe Saint-André avait promis un huitième de finale officieux pour décrocher la première place de cette poule D afin d’éviter les All Blacks en quart à Cardiff. Ce sera le cas. Il avait annoncé des Tricolores en pleine bourre pour l’échéance mondiale : là aussi, c’est confirmé ; les Tricolores enchaînent crescendo. Le Goret souhaitait enfin un banc de remplaçants capables de faire une différence : c’est le cas.
Hier vilipendé pour avoir oublié François Trinh-Duc, il a placé sa confiance en Frédéric Michalak ; comme ouvreur, leader, animateur, buteur. Le Toulonnais lui a rendu au centuple, devenant même le meilleur réalisateur français en Coupe du monde. Ce qui fera peut-être de lui, comme Thierry Lacroix à qui il succède, un commentateur avisé lors de l’édition 2019. Le carnet de route fonctionne à la lettre. H comme les poteaux de Milton Keynes entre lesquels Michalak a tout fait passer, jeudi soir.
Passons à la lettre I. Comme interrogations. Pourquoi deux gros trous d’air, un durant chaque mi-temps ? Et comment peut-on laisser un adversaire modeste bien que courageux et déterminé inscrire deux essais en quatre minutes, puis deux buts de pénalité en début de seconde période et passer de 0-17 à 18-24 ? Absences coupables qui se paieront beaucoup plus cher, dimanche 11 octobre. I comme Irlande donc. Qui va affronter l’Italie le 4 octobre. Les Transalpins, vexés par leur parcours minable, font de ce match leur finale à eux. Ont-ils les moyens de faire se cabrer l’Erin ?
Dans cette pièce de théâtre aristotélicien, unité de lieu, de temps et d’action, l’acte II s’est ouvert sur Galles-Fidji de toute beauté. Il se poursuivra avec Afrique du sud-Ecosse, Angleterre-Australie, Samoa-Ecosse, Argentine-Tonga, Irlande-Italie, Australie-Galles et France-Irlande. Onze jours et sept matches pour savoir de quoi sera fait l’acte III, quelles surprises il nous réserve. En attendant de sentir le sol trembler samedi à Twickenham.
Ecoutons la note bleue. Elle s’accorderait presque au projet. Mais trop de couacs et de coups foirés, d’occasions anéanties, de déchets, des vices minuscules mais qui mis bout à bout laissent une impression d’inachevé. Jeudi, à Milton Keynes, il y avait tout pour battre le record de points des Australiens face à l’Uruguay, dépasser le 65 au compteur. Si la France semble avoir de la suite dans les idées, son jeu manque de continuité, son sérieux de constance, son engagement de rigueur. Il faut juste espérer qu’une semaine pour rassembler ce qui est épars sera assez. Cela dit, si vous voulez mon avis et si non je vous le donne quand même : il vaut mieux affronter la Nouvelle-Zélande en quart que les Argentins.