Attitude. Voilà bien le maître mot de Guy Novès. Attitude aussi, pour évoquer la prestance et les performances de Sergio Parisse, élu joueur de l’année par ses pairs. Tout ou presque serait donc dans l’allure, le maintien, mais aussi le regard, la lecture du jeu. L’intelligence, en un mot. Ce mot qui manque tant à l’équipe de France depuis quelques temps. En mai 2007, alors que je l’interviewais pour L’Equipe Magazine dans son petit bureau d’Ernest-Wallon à côté du vestiaire des pros, Guy Novès – et nous avions évoqué la possibilité qu’il devienne manager des Tricolores – m’avait dit : «Je crois en un rugby d’intelligence.» Il l’a prouvé avec Toulouse, il va devoir le transposer en bleu. Ce challenge l’attend.
Il a précisé qu’il ne parlerait pas d’avenir mais du présent. Mais en attendant France-Italie le 6 février prochain, il a sélectionné trente et un joueurs et, sur ce premier tri, douze jeunes – dont cinq néophytes – entre vingt et vingt-quatre an, à savoir Jefferson Poirot, Camille Chat, Sébastien Vahaamahina, Paul Jedrasiak, Yacouba Camara, Hugo Bonneval, Sébastien Bézy, Jean-Marc Doussain, Jules Plisson, Gael Fickou, Jonathan Danty et Virimi Vakatawa. Sans évoquer le futur, il a déjà construit une première ossature en pensant très fort au Japon, et en regardant à l’horizon la Coupe du monde 2019. Madré.
A nous de décrypter sans cesse sous l’ère Novès. Il y a ce qu’il pense, ce qu’il dit aux joueurs et ce qu’il lâche à la presse. Mardi, c’était drôle, il n’a répondu pour ainsi dire à aucune des questions posées par mes confrères, sauf peut-être à celle, et elle a été répétée, qui touchait à son caractère, intransigeant et exigeant. Elle concernait la crainte qu’il inspire. «Qu’ils me craignent, j’en suis désolé.» Mais il n’a pas nié. On imagine même que ça lui fait un peu plaisir. De la crainte nait le respect, pense-t-il. Sauf que là, le grand-père qu’il est va se coltiner en direct mais pas souvent à des gamins qui pourraient être ses petits-enfants. A voir.
Exit la génération « perdue » dont nous parlions il y a peu, celle de nos talents laissés en jachère : Mermoz, Trinh-Duc (sur blessure ?), Bastareaud, Le Roux, Chiocci, Kayser, Dulin, Guitoune et j’en passe… Quel vide, soudain. On a conscience que le principal problème du trio d’entraîneurs passés, Saint-André – Bru – Lagisquet, fut peut-être de ne pas avoir choisi les bons Bleus. Et pour nous, observateurs, suiveurs, supporteurs, d’avoir cru que certains de ceux-là étaient porteurs d’espoirs.
Nuit du rugby lundi à l’Olympia, liste des 31 mardi à Marcoussis et de s’apercevoir que l’ennui du rugby, c’est bien qu’il n’y a qu’un capitaine «à l’essai» pour incarner les prochains combats. Après Matt Giteau, voici Parisse Sergio meilleur joueur en France. Novès va donc chercher un demi de mêlée international, Jean-Marc Doussain, pour le placer illico à l’ouverture. Quid de Camille Lopez ? Je me suis fait dessouder quand j’ai écrit, à l’issue d’un France-Galles le 28 janvier dernier, que le dix clermontois me paraissait trop décalé, peu lucide et inquiétant. Guy Novès me donne raison un an plus tard en l’écartant lui aussi de sa liste.
En revanche, le choix de Doussain, jamais bon en bleu depuis une certaine finale du Mondial 2011, et pas particulièrement brillant avec le Stade Toulousain ces temps derniers, m’inquiète. «Il a gagné sa sélection sans s’en apercevoir» glissait Novès, mardi matin. Il n’est pas le seul à n’avoir rien vu venir. Doussain en équipe de France, j’avoue que c’est un contre-pied magistral. Et là, pour le coup, je n’aurais pas trouvé illogique de faire appel à Lopez, plutôt bon avec Clermont en ce moment. Comme quoi…
Novès choisit ses mots. Quand on lui parle de Toulouse et de son jeu, il répond contenu sur le terrain et à l’entraînement. Le cadre dans lequel il est abordé, et aussi son essence, c’est-à-dire l’intelligence et l’adaptation, voilà l’approche toulousaine, celle de Robert Bru et, indirectement via le duo Villepreux-Skrela, de René Deleplace. Une patte perdue depuis trois saisons. On espère que Novès sait encore griffer. Lui se dit en mission, et pas pour le soigneur. Faire passer, tel est son souhait. C’est pourquoi il a souhaité rencontrer à trois reprises (4 et 11 janvier, 25-27 janvier) les joueurs dans lesquels il a placé sa confiance, afin de leur «donner les informations importantes concernant (son) projet.» Pour quelqu’un qui pensait, il y a peu encore, que quelques stages de plus ou de moins ne pouvaient pas transformer le jeu de l’équipe de France, le moins qu’on puisse écrire c’est qu’il a bien changé d’appuis. Il faut croire que la fonction crée l’agenda.