Nouvel entraîneur national, Guy Novès annoncera jeudi matin sa première composition d’équipe. Elle est très attendue. Pas tant devant ni derrière qu’à la charnière. Car ce duo d’orchestrateurs a toujours été le point faible, voire très faible, du rugby français. Jamais demis de mêlée et ouvreurs tricolores ne se sont vraiment installés sur la durée. Le plus emblématique d’entre les dix, le Dacquois Pierre Albaladejo, n’avait-il pas deux demis de mêlée pour le servir, Lacroix et Danos, aux profils différents voire opposés ?
On évoque très souvent le jeune toulousain de Bagneux, Sébastien Bézy, pur talent, buteur précis – finalement pas si jeune que ça puisqu’il a déjà 24 ans – et du parisien Jules Plisson à l’ouverture, lancé sous PSA. Mais le duo Machenaud-Doussain propose de son côté une solidité qui peut assurer ou rassurer quand on part, comme c’est le cas, dans l’inconnu. En tout cas, la première charnière de Novès sera auscultée puisque c’est elle qui donnera le ton et le tempo, samedi, contre l’Italie.
Il faut remonter avant les ères Lièvremont et Saint-André pour trouver trace d’un match durant lequel le XV de France aurait enflammé les travées du Stade de France dans le Tournoi. Alors on peut espérer se réchauffer quand ont voit le Stade Toulousain, dont Novès fut l’entraîneur, jouer sans frein, heureux et libéré, avec des passes dans l’intervalle, des prises d’initiatives – même Louis Picamoles libère le jeu au ras. On se dit que l’esprit et l’intelligence peuvent éclairer Saint-Denis, samedi. En tout cas, on l’espère fortement.
Pour l’aider, Novès, il a Jeff Dubois, passé par Toulouse mais formé à l’école de Peyrehorade, aux confins des Landes, du Béarn et du pays Basque par son papa Gaston, un authentique éducateur, de la meilleure veine. Titou Lamaison et Julien Peyrelongue ont été eux aussi élevés – à tous les sens du terme – dans cette académie de la passe, et voilà bien deux ouvreurs internationaux qui assurèrent la transmission. On rappelera ici le rôle premier de la charnière : transmettre en accélérant, en entraînant.
Jeudi, Novès se lance dans l’aventure bleue : fédérer un groupe et donc commencer par choisir ses quinze premiers titulaires. On regardera la composition de sa troisième-ligne, qui en dit toujours long sur le style de jeu, les articulations, les champs d’expression. Mais je reviens à la charnière : le rythme, les choix, le lien, le liant, c’est elle. Elle est le caractère de ce qui n’est pour l’instant qu’une sélection et pas encore une équipe.
Ce qui assure ma liaison avec le finale de Super Bowl, cinquantième du nom, entre deux grosses défenses et deux quaterbacks (la clé de jeu, soit moitié demi de mêlée, moitié demi d’ouverture) exceptionnels : un jeune loup, Cam Newton, face à un briscard, Peyton Manning. Ce sera dimanche prochain, 7 février, au lendemain de France-Italie, entre les Broncos et les Panthers – personne ne dit Denver vs. Caroline. Nous y reviendrons puisque le football américain, «gridiron», est un avatar du rugby devenu là-bas construction tactique massive. Surmontée d’un seul homme, le quarterback, joueur clé.