En passant de 22 à 13 régions, le nouveau championnat secoue le territoire. En rugby aussi, l’intérêt augmente à mesure que le nombre d’élus se réduit, passant de 14 à 6. La guerre des capitales est ouverte mais le Top 14 n’a jamais été aussi serré. Et pour une fois, cette saison, le calendrier cessera d’être saucissonné en tranches fines pour dérouler six journées, trois régulières – les dernières – et trois de phase finale d’ici à la mi-juin.
Le décor planté, restent les acteurs à caster. Oyonnax n’avait pas eu l’occasion d’en rêver mais s’y accroche ; Montpellier se crispe, s’égare et s’attend au pire ; Bordeaux-Bègles y croyait mais s’en éloigne… Oui mais tout est encore possible. Trois journées égalent quinze points maximum. De quoi calculer. Et il faudra sûrement attendre la dernière minute de la dernière journée, l’ultime percée, essai, but de pénalité ou coup de sifflet avant d’arrêter les comptes.
Pendant ce temps, à Marcoussis, les sept rois sages se sont réunis pour décacheter le courrier du cœur. 66 missives ? Et combien de candidatures bidons, drôles, décalées ou simplement naïves ? Dans le registre humoristique, sans doute celle de Boucherie Ovalie, évidemment celle de Moscato. Oui mais pas si foutraque que ça, le projet du talon show puisqu’il se murmure que le jury pourrait bientôt recevoir l’amuseur public. Par calcul médiatique et donc politique ? Pour le contre-pied ? Simplement pour une tranche de rigolade entre poire et fromage, et deux projets roboratifs ?
Ces derniers mois, histoire de tenir des réseaux sociaux, se twittait la grille de départ des futurs managers tricolores. En pole position, s’il faut en croire une radiographie mieux informée que les autres, perçait Raphael Ibanez. Alors que de nous maintenions, personnellement, Laurent Travers en approche directe. Oui mais au final ce ne sera ni l’un ni l’autre. Travers a déclaré forfait pour cause de prolongation avantageuse de son contrat au Racing Métro tandis qu’évoquant le cas Ibanez, son président Marti annonce sur les ondes qu’il «pense plutôt que Raphael va rester» après avoir remué la terre entière pour lui trouver un successeur…
Le oui mais, parfois festif, est presque toujours salutaire. Juste avant de sortir du musée Magritte de Bruxelles se tient une toile en forme de méta-pensée : «Ceci n’est pas une pipe» indique le peintre en toutes lettres sous un profil découpé, forme noire qui rappelle quand même qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Ou comment continuer à se décaler après avoir allumée la première mèche. Je pense à ce tableau après avoir longuement bavardé, hier, avec Pierre Villepreux au sujet du jeu de Toulon…
Ainsi donc, si j’en crois les réactions outrées lues ici et là, considérer aujourd’hui que le RCT n’a pas percé les sommets où se situent dans l’histoire du rugby français Lourdes, Béziers et Toulouse tient du crime de lèse-majesté européenne. Comme si la H-Cup ou la Champion’s Cup, contrairement au cousin football, pouvait remplacer le bouclier de Brennus au pays des mille fromages. Comme si Bernard – «C’est pas compliqué le rugby ! Tu prends des mecs de 140 kilos et tu rentres dans la meule, t’as compris ?» – Laporte, depuis vingt ans qu’il entraîne à Bordeaux, à Paris, en équipe de France et à Toulon, avait mis au point un système de jeu sophistiqué susceptible de faire école…
Au moment où Castres tente à Mayol son plus gros défi de la saison, où les deux clubs de l’Ile-de-France disputent leur match capital ; au moment où Montpellier mise sur la gestion réduite d’un groupe pour sauver ce qui peut encore l’être (1 victoire, 2 nuls, 3 défaites depuis trois mois), où Bordeaux et Oyonnax sont déjà en mode phase finale ; où Brive risque de rejoindre la treizième place synonyme de relégation, la seule stratégie qui vaut semble être celle qui touche au management des hommes, la gestion des égo et des temps de repos.
Oui mais le jeu, quand même ? «Une équipe est une agrégation cohérente, où chacun fait sa part de boulot pour son coéquipier, pas pour lui-même,» perce Morné Steyn dans L’Equipe du 8 mai. L’ouvreur springbok, qui a si peu connu la victoire en fuchsia, parle aussi du vent et de la pluie, perturbants. Il ne manquent que l’arbitre et les médias pour faire le tour des inconvénients qu’il a trouvé, en provenance du Super Rugby, à disputer le Top 14.
«Un objet fait supposer qu’il y en a d’autres derrière lui», écrit l’artiste en dessinant un mur. Avant d’ajouter : «Je déteste l’héroïsme professionnel, la résignation et la voix des speakers.» Ce Top 14 n’est donc pas pour lui. Ce qui ne va pas nous empêcher, c’est le moment choisi, de fêter le «oui mais» comme il se doit. Refusons les lignes tracées, imposons le crochet intérieur face aux défenses glissées. Chaque percée est une victoire sur les figures imposées.
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