On se demandait s’il pouvait exister un nouveau clasico dans le Top 14 ; un de ces rendez-vous qui font monter l’adrénaline et l’envie ; un duel de genres, du type Toulon-Toulouse de l’ère Herrero-Villepreux dans les années 80 ou, pour prendre une référence plus récente à l’usage de nos jeunes internautes, du Stade Français – Stade Toulousain des années 2000 quand Max Guazzini était en train de d’inventer l’emballage ovale, avec pom pom girls, tee mobile, démonstration de gymnastique, feu d’artifice, lion sous tranxène et groupe de rock ?
Et puis sont montés de la ProD2 Mourad Boudjellal et Jacky Lorenzetti pour animer nos prime-time. Que ce soit une tentative de baiser sur la bouche ou une allusion moins que voilée au détournement de la masse salariale, le moins qu’on puisse dire c’est que ces deux-là vont finir par se détester. Depuis quelques temps déjà le ton monte et les échanges, de la Rade à Colombes, n’offre pas le meilleur du rugby. Comme aiment à le répéter ceux que ce concept même irrite, «ça ne fait pas très valeurs.»
J’avais ici envie de vous parler du stage des arbitres à Tignes – pas très glamour, certes, mais option intéressante si on aime le jeu car ceux qui l’orchestrent en direct et au sifflet ont longuement évoqué la semaine dernière ce qu’ils appellent «la conduite du match», expression nettement plus adaptée que «gestion». Je voulais vous faire partager quelques informations, comme par exemple la création d’un statut «semi-pro» pour une dizaine d’arbitres, et même la hauteur de leurs émoluments.
Mais en allant tripoter mon azerty comme un lundi, que lis-je ? La réponse de Mourad à Lorenzetti qui s’adressait à Boudjellal lequel auparavant avait interpellé Jacky ; et toutes ces amabilités de présidents-propriétaires lâchées en trois jours, avec au passage le soin d’en appeler à la LNR et à son président. L’avantage de ce type d’échanges, voyez-vous, ami(e)s de ce blog, c’est qu’on y trouve toujours quelque chose de plus pathétique que ce qu’on venait y chercher.
Je voulais aussi vous parler de la médaille d’or des jeunes Français du rugby à 7 remportée aux Jeux Olympiques de la Jeunesse, en Chine. Une équipe de France composée entre autres des jeunes Retière et Roumat, Arthur et Alexandre de leurs prénoms, deux gamins plein de sève dont on entendra bientôt davantage parler, France 7 entraînée par Thierry Janeczek, un des plus grands connaisseurs de ce jeu si particulier, qui n’est pas, comme certains le croient, la moitié du quinze mais bien une discipline à part entière.
Mais voilà, moi aussi – je n’ai pas honte de l’écrire – je me suis trouvé happé par le numéro de duellistes, «Mourad et Jacky», désormais voué à devenir l’attraction numéro un du grand cirque ovale. Et pas parce qu‘ils me font rire, non. Plutôt par curiosité: lorsqu’ils se déchirent à travers mots, ce sont des maux qui remontent à la surface. On voit bien que ces millionnaires-propriétaires disposent d’un arsenal de vacheries, et chaque fois en distillent davantage.
Encore un effort et nous saurons ce qui se cache derrière, ou dessous, le budget d’un club de Top 14, qui triche et à quelle hauteur, comment se détournent les règlements et s’ignore le gentlemen’s agreement ? Dans leur joute verbale à distance, Mourad et Jacky crèvent la protection que s’accordent les présidents, leurs pairs, pour construire une petite affaire ovale qui tourne. Ce faisant, ils nous éclairent. Encore un effort, Jacky et Mourad, et le jeu de rugby ne sera plus qu’un alibi.
En lisant non pas Joseph Conrad mais tout ce déballage nauséabond répandu dans le caniveau – véritable règlement de comptes bancaires – la première question qu’on peut se poser est la suivante : jusqu’où iront ces deux-là dans la surenchère ?… En livrant des secrets de famille et de fabrication, ils ont jeté l’opprobre sur leur fonction, président, c’est-à-dire responsable placé au-dessus de la mêlée. Vont-ils finir par enfoncer le rugby, le jeu et les joueurs, en les tirant là où eux se situent, c’est-à-dire vers le bas ? A la vitesse où ils filent leurs métaphores de marchands de bestiaux, on peut malheureusement le craindre.
Restons positif : le Top 14 y a gagné désormais un clasico, un vrai, un dur, un de ces matches qui sonnent autant sur le terrain que dans les tribunes, les gazettes et les couloirs de vestiaires. De quoi alimenter la chronique, quoi… Du coup, pour ne pas oublier l’épisode suivant, je vais cocher la date du 10 janvier 2015. Cela dit, ce n’est peut-être pas la peine, Jacky et Mourad me le rappelleront le moment venu. Et je suis, sans doute comme vous, incorrigible, et donc curieux de savoir jusqu’où ils peuvent descendre.