Goze, toujours

Un personnage d’importance est passé presque inaperçu, ces temps derniers, et pourtant, il ne passe pas inaperçu. Il y a du Ferrasse en lui, et même un peu plus si l’on considère sa stature. Imposante. Comme Tonton, c’est un deuxième-ligne de devoir, et il va falloir lui trouver, très vite, un surnom. La signature LNR-Canal + revue à la hausse, c’est lui. L’accord entre les clubs et les fédérations au sujet de la prochaine Coupe d’Europe, c’est toujours lui.
Vous l’aviez deviné, il s’agit de Paul Goze. Le Catalan. Président de la LNR. Successeur de Serge Blanco et de Pierre-Yves Revol. Souvenez-vous, personne ne misait sur lui. Et pourtant, il est arrivé à ses fins. Quand il a décidé de dénoncer l’accord historique entre Canal + et le Top 14 et celui, tout aussi ancré, liant les clubs français et l’ERC, il a joué gros.
Sûr de lui, et à peine débarqué à la présidence, il s’était donc jeté comme un junior sur les deux plus importants dossiers du rugby pro français. «C’est le plus gros bluff de l’histoire de la LNR. Soit vous perdez tout soit vous empochez tout.» Je me souviens qu’il avait souri, pas démonté par les enjeux, énormes, quand nous avions évoqué les cartes qu’il tenait dans sa main.
Il a joué et gagné. Bravo à lui. Le Top 14 est revalorisé, la prochaine Coupe d’Europe remodelée selon ses souhaits. Dans les deux cas, une grosse manne pour le rugby pro français. Pourtant, vous ne l’entendez pas. Il a la victoire modeste, Paul Goze. J’en connais qui auraient hurlé au succès, s’en seraient arrogé la paternité. Pas de cela chez l’ancien président de l’USAP.
Dans quelques années, la chronique retiendra qu’à la façon d’Albert Ferrasse travaillant contre vents, marées et Celtes pour faire passer l’idée d’une Coupe du Monde, et avec un sens politique digne de Bernard Lapasset au moment d’accorder l’organisation de l’édition 2007 à la France, Paul Goze, toutes proportions gardées, a pesé dans l’histoire contemporaine du rugby.
Je sais, ça n’a rien de glamour, et pourtant… Voilà le Top 14 à la hauteur financière – enfin presque – de ce qu’il mérite et la Coupe d’Europe hissée à un niveau supérieur, sportivement, économiquement et politiquement. En acceptant d’être élu à la tête du rugby pro, il y a deux ans, Paul Goze s’était fixé ces deux objectifs, fédérant autour de lui carpes et lapins, vieux renards et jeunes loups, anciens internationaux, entrepreneurs et propriétaires.
Je n’ai pas cru, au départ, que celui que certains comparent à un roi podagre pourrait s’inscrire dans la modernité, défier au profit de l’élite des clubs français les monopoles télévisuels et les institutions européennes dans un même mouvement. Je me suis trompé. En revanche, en cas de victoire, je savais qu’il n’y aurait aucun triomphalisme chez celui qui a, naguère, permis à l’USAP de tutoyer les sommets.
D’ailleurs, quels sont aujourd’hui les sentiments de Paul Goze à l’égard de son club de cœur qui peine à éviter la descente en ProD2 après avoir été finaliste du Championnat en 1998, 2004 et 2010, remportant le bouclier de Brennus en 2009, lui qui a œuvré rudement au sein du pack catalan et relevé quelques défis en même temps que certaines mêlées ? Son départ d’Aimé-Giral, à l’époque passé presque inaperçu, n’a pas été comblé, visiblement.
Pour conclure, et avant de partir quelques temps en vacances, je vous propose cette saillie du Dacquois Pierre Albaladejo, jamais à court de ce qu’on pourrait considérer comme un aphorisme : «Les supporteurs se demandent toujours s’il faut recruter tel ou tel joueur. Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’il fallait d’abord les entourer de dirigeants de qualité.» Et d’ajouter, pour faire bonne mesure : «Un bon dirigeant vaut trois grands joueurs.» Alors, d’après vous et à l’aune de ses succès, combien pèse Paul Goze ?

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