C’est ce qui s’appelle un bouleversement. Commencé le 15 août, le Top 14 semblait s’être stabilisé. Clermont et Toulon en haut, Biarritz et Oyonnax en bas. Et puis voilà, il a suffi d’une journée, la vingt-troisième, pour que presque tout soit remanié – c’est d’actualité. Montpellier leader et Clermont détrôné, le Racing-Métro dans les six, le Stade Français hors du coup, et Bordeaux-Bègles en embuscade.
Dans le bas du tableau, pour accompagner Biarritz, déjà condamné (le mot est un peu fort, je l’avoue, car c’est un championnat relevé) à la ProD2, deux clubs sont venus rejoindre l’US Oyonnax : Bayonne, à égalité de points (44), et Perpignan (46) qui n’en finit pas de chuter. Bien malin qui peut aujourd’hui annoncer le nom du deuxième relégable à trois journées de la fin de la phase régulière. D’autant que Grenoble accuse une inquiétante baisse de régime.
J’aurais bien aimé, et vous aussi j’en suis certain, continuer sur cette lancée, me délecter de la prochaine journée de Top 14, sans arrêt, sans coupure, sans break. Garder intacte jusqu’au bout la dramaturgie. D’autant que le niveau de jeu des rencontres s’affiche en hausse sensible, toutes les énergies se tournant vers la qualification ou le maintien. Et bien non, voilà que revient la H-Cup. Au pire moment.
Il commence en plein été, ce scenario, quand personne ne s’y intéresse vraiment, saucissonné par les tests de novembre, concentré en fin d’année pendant les fêtes et de nouveau haché menu par le Tournoi des Six Nations. Passe encore deux journées européennes de temps en temps, octobre, décembre, janvier. Mais là, c’est une fracture. Qu’on nous laisse finir le Top 14 ! Trois journées, c’est beaucoup demander ? La nouvelle gouvernance arrive, installée en Suisse pour le climat – fiscal, le climat – mais c’est d’un calendrier remanié dont nous aurions besoin. Couper le Championnat au moment où le suspense est à son comble, c’est insérer de la pub avant les trois dernières séquences d’un Hitchcock.
D’accord, c’est du très haut niveau, la H-Cup, surtout à partir de la phase finale. Munster-Toulouse, Toulon-Leinster et Clermont-Leicester valent chacun un test-match. Mais j’avais envie de continuer à regarder le Top 14 : Clermont-Castres ou le défi des incertains, Bordeaux-Toulon pour continuer à rêver en Gironde, Bayonne – Stade Français et malheur au perdant, Grenoble-Montpellier pour assoir un statut de leader, Perpignan-Oyonnax, la peur au ventre…
Il est vraiment grand, ce sport, pour ainsi survivre à ses turpitudes : calendrier à tiroirs, institutions datées, violence généralisée (verbale dans l’élite qui devrait montrer l’exemple, physique et sournoise en Fédérale 3 avec le triste match Véore-Vinay dont on attend avec intérêt l’épilogue disciplinaire), rumeur devenant dans la minute information pas même vérifiée (où l’on apprend par erreur à cause d’un excès de zèle journalistique la mort de Jeff Tordo, vite démentie mais trop tard quand même)…
Ah, au fait, vous vous souvenez de l’affaire de la mêlée bleue dans le Tournoi, évoquée ici même il y a peu ? On s’était promis de porter dès le retour des coupes d’Europe un œil critique sur les mêlées, l’arbitrage anglo-saxon, le côté gauche de la poussée, le droit aussi (parce que ça valse un peu), pour en reparler à la lumière des sanctions infligées au pack français dans le dernier Tournoi. Toulon, Toulouse et Clermont, nos fleurons, mais aussi Brive et Paris, passeront-ils au tamis des trois commandements nouvellement gravés dans le marbre fin du règlement ? Finalement, histoire de ratiociner, vous allez voir qu’ils vont finir par m’intéresser, ces quarts européens…