Saveurs

Je vais y aller franco. Comme d’habitude. De toute façon, une chronique n’est pas obligatoirement prévue pour se faire de nouveaux amis. Mais ça va au moins nous donner matière à discuter. Voilà les choses telles que je les ressens : cette finale de Coupe d’Europe entre Clermont et Toulon, franchement, elle ne déclenche pas chez moi l’excitation des grands événements. Autant pour Clermont-Munster et Saracens-Toulon, j’avais apprécié le parfum de la phase finale, l’attrait du choc majuscule, l’opposition franco-irlando-anglaise, matinée d’une touche sud-africaine, autant une finale française de H Cup ne me fait pas vibrer.
Je peux comprendre que des supporteurs auvergnats et varois soient aux anges, bouleversés, impatients et chauds bouillants, mais pour l’observateur neutre que je suis, ce duel franco-français à Dublin manque de saveur. En tout cas, ce n’est pas l’idée que je me fais d’une finale européenne. D’une finale de Top 14, sans aucun doute – et d’ailleurs il y a de grandes chances que ce soit celle-là – mais pas du sommet de la H Cup.
C’est un peu comme, de mémoire, Manchester United-Chelsea (2008), Juventus-Inter (2003) et Madrid-Valence (2000) en Champion’s League, voire un improbable (mais sait-on jamais) Real-Barca ; plus sûrement le Dortmund-Munich à venir. Ça n’a pas le sel attendu. C’est techniquement intéressant pour les spécialistes mais ça s’arrête là. C’est d’ailleurs étonnant que le football, avec sa surface géographique, accouche de tels monstres. Ça l’est moins en rugby, qui ne couvre, version H Cup, que six pays.
J’étais à Dublin, dans le Lansdowne Road aujourd’hui démoli et remplacé par l’Aviva, pour une certain Toulouse-Perpignan. En 2003. 29 000 spectateurs. Dans un stade du Tournoi qui pouvaient en contenir presque le double. On avait bien déjeuné, il faisait soleil. Pour les besoins de la télévision, les organisateurs avaient massé les spectateurs, principalement toulousains et catalans, dans une tribune, face caméras, pour assurer la claque. Face à nous, une tribune vide. Elle résonnait du babil des commentateurs. Bonjour l’ambiance…
Les seules réussites, dans ce genre de choc entre clubs ou provinces d’un même pays, ce fut lorsque les Anglais (Leicester-Wasps, 2007, dans un Twickenham plein comme un œuf) et les Irlandais (Leinster-Ulster, 2012, là aussi à Twickenham et  guichets fermés) se sont retrouvés. Mais il faut dire que ça ne leur fait pas vraiment beaucoup de chemin à couvrir. Nous, Français, nos finales, on les préfère en Top 14. Et le bide de Toulouse-Perpignan (2003), suivi d’un terne Toulouse-Stade Français (2005) à Edimbourg et d’un Toulouse-Biarritz (2010) qui sentait vraiment trop le Championnat, n’évoquent pas le début d’un frisson.
En revanche, je suis certain que la même affiche, le 1er juin, au Stade de France, aura ce fumet qui me fait tant saliver, ce parfum de finale, ce goût relevé qu’a l’affrontement entre deux géants du Top 14. Entre deux peuples, aussi, qui monteront à Paris si tel est le cas, mais qui ne seront sans doute pas à Dublin. Trop loin. Trop cher. Ou alors en petit comité. Et c’est aussi cela qui fait tort à cette finale de H Cup. Rien n’est fait pour les supporteurs des deux équipes car tout est prévu de longue date, sans aucune souplesse.
Clermont-Toulon à Dublin, non, décidemment, je n’arrive pas à m’y adonner.

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