Télé réalité


Le Premiership Rugby, l’équivalent anglais de la LNR, aurait signé un contrat d’importance et d’exclusivité sur quatre saisons avec la chaîne digitale BT Vision pour 152 millions de livres sterling de drois télé, soit 182 millions d’euros. Information révélée par l’Independant on Sunday. Jusque là, rien d’exceptionnel en soi. Cela fait un peu plus de 45 millions d’euros par an. C’est quand même beaucoup mieux que ce que touche la Ligue de Canal Plus, à savoir 30 millions d’euros… Oups.
Ce qui est révolutionnaire, en revanche, c’est que BT Vision, dans sa proposition, a inclu un deal technico-tactique. A savoir persuader les entraîneurs des clubs de Première division anglaise de livrer à ses commentateurs et consultants télé, en amont des matches, les choix stratégiques mis en place. Et pour cela d’assister à tous les entraînements des clubs afin de pouvoir juger, en direct, si telle ou telle tactique, telle ou telle combinaison de jeu sont pertinentes et bien prolongées sur le terrain.
Il est question aussi, pour les journalistes placés le long de la ligne de touche, d’être libres interviewer en direct les remplaçants au moment où ils vont entrer sur le terrain, mais aussi, et c’est encore plus intime, les joueurs sanctionnés d’un carton jaune ou rouge au moment où ils quittent la pelouse. En fait, si on a bien lu le cahier des charges, le nouveau diffuseur anglais aura désormais accès à tout. Et à tout moment.  Cela risque de faire jurisprudence par chez nous.
Aujourd’hui, Sky Sports et ESPN se partagent la couverture du Championnat anglais et le modus vivendi en place offre pas mal de latitude aux médias télévisuels. Un peu comme le lien qui unit Canal Plus et la Ligue nationale de rugby. Seule restriction, chez les Anglais, l’accès au vestiaire pour le sacro-saint discours d’avant-match. Là, pas question d’avoir un laisser-passer : ce qui se dit dans le vestiaire doit rester accroché aux cintres. Un peu comme ce qui se passe à Las Vegas.
En ce moment, en Angleterre, les émissaires de BT Vision sillonnent le pays, de clubs en clubs, pour prêcher leur bonne parole, c’est-à-dire convaincre les entraîneurs de partager leur savoir et leurs plans tactiques, leurs mises en place et leur séances vidéo. L’idée ? « Capturer l’émotion, la tension et l’excitation d’un match de rugby, offrir au téléspectateur le meilleur siège possible, c’est-à-dire dans son salon« , a déclaré un membre de la Premiership Rugby.
On voit d’ici Guy Novès, le grand cachottier du Top 14, partager ses informations avec des journalistes ; Antoine Battut, expulsé à Limerick dimanche dernier, échanger calmement avec un commentateur sur le bord du terrain sur la logique et l’impact de son carton rouge. Surtout, on imagine Jacky Lorenzetti, Mourad Boudjellal, Laurent Marti et tous les Jeunes Turcs du Top 14 revenir cette semaine vers Paul Goze, le président des présidents, pour tenter de faire monter de 15 millions d’euros par an le tarif télé.
Chaque sport, comme chaque homme, à son prix. On le sait désormais, celui du rugby pro, moderne, novateur et spectaculaire, est de 45 millions d’euros par saison. Mais avec l’intimité en partage.

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