Pause au Racing


Fabrice Landreau, sur L’Equipe.fr, samedi, quelques heures avant le coup d’envoi du derby, donnait « un léger avantage au Stade Français », à la lumière de récentes performances parisiennes. Le manager du FC Grenoble n’avait pas tort. Entraîneur-joueur du Racing, puis joueur-entraîneur du Stade Français, « Néné » a toujours le nez fin. La lente remontée au score des Parisiens lui donna raison. Pendant soixante-seize minutes, exactement.
Le Stade Français, samedi, avait de l’allant, du liant, de l’ambition et assez de maturité et de maîtrise pour remonter un handicap de sept points (6-13, 37e) sans coup férir. On le sentait capable de profiter de la relative inefficacité des Racingmen. Et se profilait le spectre de la crise à venir du côté du Plessis-Robinson, un chaos plutôt, susceptible de remettre en question à terme, – moyen ou long – l’implication financière et humaine de son président, Jacky Lorenzetti.
« Ennuyeux à mourir, crispé et sans grande passion« , note, hier, Pierre Michel Bonnot dans les colonnes de L’Equipe. Il y a, effectivement, les soixante dix premières minutes de ce derby parisien réfrigéré à glisser dans la colonne débit, si l’on ne regarde que la qualité – dans l’absolu – du jeu produit. Pas emballantes, il faut bien l’avouer. A l’exception notable car isolée du groupé-pénétrant qui déposa Dimitri Szarzewski dans l’en-but du Stade Français, à la 37ème, et fit croire aux Racingmen qu’ils avaient course gagnée.
Mais j’ai la naïveté de croire qu’un match se regarde et se vit jusqu’au bout. Il y a presque toujours dans une rencontre, et celle-ci valait pour son intensité psychologique, un moment qui rachète les erreurs, les approximations, les mauvais choix, les errements ; un bref instant qui efface ce qu’il faut oublier. Comme un air d’opéra écrit pour la postérité dans un livret ordinaire, et l’histoire du Bel Canto recèle des trésors lyriques englués au fond de mièvres partitions.
Cette tirade, c’est la percée majuscule de Fabrice Estebanez,(cf photo d’archive ci-dessus, entre les Parisiens Julien Arias et Sergio Parisse) sur la scène du Stade de France, c’est l’inspiration de sa course croisée, rentrante, pour l’essai de la libération. C’est du Alfredo Catalani, du Gaetano Donizetti ! A quatre minutes du baisser de rideau, un éclair de génie digne des plus grands centres de l’histoire, un contre-ut. Il symbolise le désir viscéral d’un club inscrit dans l’avenir et qui ne veut pas mourir dès la 12ème journée du Championnat.
J’ai aimé ce coup de poignard que personne n’attendait, cette dague qui s’est enfoncée sur soixante mètres. J’ai critiqué Estebanez par le passé pour ce que je pense être des lenteurs et des lourdeurs au poste, centre, qui demande les plus fins réglages. J’avoue là avoir été bluffé par ce joueur aux faux airs de baron Scarpia. Il est toujours indélicat pour les autres d’extraire un homme d’un match, mais quand il a plongé dans l’en-but parisien pour replacer les siens en tête, j’ai cru entendre Estebanez hurler : « C’est ça, le baiser de Tosca ! »

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