Frexit

Au moment où le Racing 92 et Montpellier s’apprêtent à vivre, mi-mai, leur première finale à Lyon, au stade des Lumières, les Franciliens dans la Champion’s et les Héraultais en Challenge, il est question par ailleurs de sortir de l’Europe. En effet, quitter ces compétitions est l’une des idées forces du programme de Pierre Salviac, candidat à la présidence de la FFR face à Pierre Camou, Bernard Laporte et Alain Doucet (même si Lucien Simon sera nommé prochainement et officiellement tête de liste). Cette proposition de gouvernance est rejetée par les deux-tiers des passionnés de rugby, si j’en crois les internautes de L’Equipe. N’empêche.
On peut comprendre le Frexit. Depuis qu’elle est désormais installée en Suisse pour des raisons assez faciles à saisir – ce doit être la qualité de l’air -, la voici aussi devenue très nettement franco-anglaise, cette Coupe d’Europe. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les oppositions sur le terrain des deux phases finales. D’ailleurs, elle n’a même plus «Europe» dans son appellation générique. Et même peu de saveur sportive, comme en témoignent les faibles affluences des récentes demi-finales.
Sortir de l’Europe. Cette question ne se pose pas qu’en rugby. Elle est dans l’air du temps. Ce qu’a saisi Pierre Salviac puisqu’il propose aussi une «e-administration» – comme pour nos impôts, qu’on le veuille ou non – et la réduction du nombre de comités sur le modèle des régions administratives voulue par nos gouvernants. Salviac président, sa volonté sera de construire un Tournoi des Six Nations en matches aller et retour pour gonfler les recettes et payer ainsi les internationaux français à l’année. C’est appréciable et, franchement, ça se tient.
Réduire d’un côté les frais de fonctionnement et de déplacement, et aussi les comités ; mettre en vente Marcoussis pour faire revenir les bureaux de la FFR dans Paris. Supprimer surtout la LNR pour la remplacer par une Commission fédérale du rugby d’élite. Le rugby va donc si mal que ça ? Réduire d’un côté et augmenter de l’autre. Ainsi le nombre de matches dans les Championnats de Fédérales et de Séries régionales afin de couvrir les frais de fonctionnement des clubs. Augmenter enfin et surtout le nombre de clubs dans l’Elite, et pas qu’un peu puisqu’il est question chez le Rochelais de monter de 14 à 32, en deux zones : Ouest et Est.
Pierre Salviac fait le pari du rugby amateur au détriment du rugby professionnel. Calcul politique. Il pense sans doute récolter plus de voix auprès des présidents de clubs de Fédérales et de Séries qu’avec ceux de Top 14 et ProD2. Au milieu de ce maelstrom, il y a cependant une proposition que j’apprécie particulièrement : celle qui consiste, quand ils ne jouent pas, à mettre les internationaux français sous contrat fédéral à la disposition des délégations régionales pour assister les techniciens des clubs amateurs. J’aimerais juste voir le visage des enfants de Tyrosse, de Soyaux, de Lille, Vannes et Aubenas quand ils apprendront que Mermoz, Machenaud, Plisson, Jedrasiak ou Médard vont leur apprendre la passe.
Passer, c’est bien le mot, du XV d’en France au rugby d’enfance : voici certainement la meilleure car la plus belle publicité que ce jeu puisse s’offrir à l’heure où les Tricolores, même sous la férule de Guy Novès, ont du mal à retrouver un public.
En attendant, Côté Ouvert va fermer pour quelques jours, le temps que je me ressource en famille et entre amis. Je le laisse passer vos ballons d’oxygène de mains en mains, expertes. En voilà les clefs : sachez raison et passion garder en même temps, alpha et omega de ce blog. C’est notre chance que de bénéficier d’un espace de jeu et de «je». Enrichissons-le. Pour ma part, je vous retrouverai début mai. D’ici là, restez liés.

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