Cousu main

Il y a bien longtemps que le Stade de France ne s’est pas levé comme ça ! N’avait pas hurlé sa joie après avoir encouragé le XV de France, mené mais debout, à vaincre l’adversité. Longtemps qu’il n’a pas chanté une Marseillaise au bon moment. Et on me dit qu’il pleuvait samedi dernier sur Saint-Denis. Autour de moi, personne n’a remarqué les gouttes et surtout pas les joueurs, qui n’ont eu de cesse de jouer et d’oser, de se passer le ballon, de tenter des coups, d’improviser et de s’adapter.
Pour une fois, le retour du Championnat après le Tournoi ne m’intéresse pas tant que ça. Franchement, j’ai hâte d’être assis dans les tribunes du Millennium Stadium de Cardiff pour voir comment ce XV de France nouvelle formule va s’en sortir face aux Gallois, et ce que North et Roberts vont bien pouvoir sortir pour éteindre le feu tricolore qui brûle les mains du public à force de crépitements dans les travées de Saint-Denis depuis deux matches.
Voilà, il ne s’agit que de plaisir. Rien d’autre. Et surtout pas de perfection. Qui a dit qu’un entraîneur pouvait tout changer en un mois, en quinze entraînements et en deux matches ? Impossible. Et pourtant. Pas tant sur le terrain – encore que – mais surtout dans les têtes bleues. C’est là où intervient l’attitude dont nous parlions il y a peu ici même. Des regards et des mots en dehors, des placements et des soutiens sur le terrain. Du détail. Mais qui compte.
Transmettre. Le mot qui convient. Donner, offrir, prolonger, poursuivre, continuer y sont associés. De loin comme de près. Au ras et au large. Transmettre, c’est le boulot de Jeff Dubois. Né à Peyrehorade, terre de passes, terroir ovale où ont passé les internationaux Lamaison, Taffary et Peyrelongue. Il y a son sourire, sa sérénité non feinte, son bonheur d’être auprès du XV de France, adjoint chargé des lignes arrière, pour voir comment et pourquoi on va transmettre le ballon. Et à qui.
Alors oui, vivement vendredi prochain, Cardiff, Land of my Fathers et les premières percussions Roberts-North pour sentir si ce que nous percevons est un prélude ou une limite, une entrée ou un désert, une ouverture ou la dernière mesure à prendre. Je retrouve, comme certains d’entre vous, ce plaisir du Tournoi, quand il était difficile d’attendre quinze jours et qu’alors nous nous prenions à rêver, à imaginer, à fabriquer, à concevoir le scenario du match à venir.
Jeff Dubois l’a dit : la clé consiste à insuffler de la confiance. A ce niveau de compétition, ce n’est certes pas suffisant, mais c’est déjà un bon début. Il y aura des changements pour affronter le pays de Galles qui sort toujours couvert sous son toit, forcément du mieux, encore que pendant ce laps de temps, les internationaux si bleus à l’âme seront revenus dans leurs clubs. On espère qu’ils n’auront pas à relire leurs cahiers de jeu pour réviser les «chaînages ». Quel vilain mot. Vous savez, ces enchaînements de temps de jeu préétablis qui plombent notre rugby depuis une décennie.
A la pensée mâchée, préfèrer l’intelligence activée dans l’instant. Cette «intelligence situationnelle» prêchée par Pierre Villepreux en son temps et parfois dans le désert, sauf au Stade Toulousain. Nous y voilà. Mauvaise sortie de balle sur la troisième mêlée commandée par capitaine Guirado et Machenaud, pas médusé, qui capte au rebond ce ballon, retarde sa passe une fraction de seconde pour trouver le bon tempo et sert idéalement Max Médard lancé à hauteur. Cet essai scelle le succès. Ses racines sauront-elles faire naître de quoi éteindre le feu gallois ? Un petit écart au score contre l’Italie et un point contre l’Irlande ne portent pas à le croire. C’est pourquoi ce déplacement à Cardiff constitue une intéressante interrogation.

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