Toujours pas ensemble

Le fiasco est encore chaud que la FFR et la LNR s’agitent des communiqués devant le nez. Au lieu de travailler de concert. Encore une fois, les intérêts particuliers passent avant l’intérêt général. Par ici des contrats fédéraux, par là je me désolidarise. Marcoussis versus Top 14, filière bleue contre recrutement étoilée. Ça doit quand bien les faire marrer, Dan Carter et Ma’a Nonu, ce Clochemerle. Qu’ils en profitent, parce que dans deux semaines, ils vont tomber au milieu des règlements de comptes à KO querelle.
Franchement, la faute à qui ? A Philippe Saint-André, bien sûr. Mauvais sélectionneur, manageur peu entraînant. A ses adjoints, Patrice Lagisquet et Yannick Bru, qui ne voient pas le même jeu. A cette préparation physique miraculeuse, croyait-on, mais trop axée sur le classement du meilleur grimpeur. Au Top 14 qui recrute trop de bons joueurs et affaiblit nos moyens. A Marcousis qui cuit trop bleu et pas assez saignant. Au président Camou trop silencieux. Au président Goze, trop bavard. A Blanco trop gros, et au palmarès trop mince de ces quatre saisons. Les analyses post-mortem ressemblent à des inventaires à la Prévert, la poésie et le raton-laveur en moins.
J’ai vu Philippe Saint-André œuvrer comme joueur et capitaine du quinze de France, puis comme entraîneur à Gloucester, à Bourgoin et à Sale. Il a toujours cherché à construire en s’inspirant de l’architecture anglaise : un directeur de rugby, des techniciens par secteurs, des joueurs matures et responsables, un fond de jeu simple (conquête, défense, occupation du terrain) sur lequel poser un buteur fiable et quelques combinaisons efficaces. Rien d’inabordable ni d’excentrique. J’y ai cru, même quand il m’a avoué hériter «d’une petite génération», obligé de recruter hors frontières, Atonio, Le Roux, Kockott, Nakaitaci, Spedding. Parce qu’il a ajouté, juste après : «Mais on peut y arriver». Il n’y est pas parvenu. Ce ne sont pas les soixante points encaissés face aux All Blacks en quart de finale qui me plombent mais la défaite en poule contre l’Irlande privée de Sexton et d’O’Connell. Ce jour-là, les joueurs ont lâché le match.
Pas de cœur, pas d’âme, pas d’envie. Qu’on ne me dise pas qu’ils étaient fatigués, que le Championnat de France les ruine : dans le même temps, Géorgiens, Roumains et Argentins de chez nous ont brillé, séduit et fracassé la ligne d’avantage. Les Ecossais, fierté de l’hémisphère nord, n’ont pas de Championnat, pas de réservoir, peu de ressources. Ils sont allés recruter sept mercenaires dont certains n’avaient aucune idée où situer les Borders sur une carte. Mais ils ont tous joué pour le maillot, dixit leur coach Cotter, pour l’idée qu’ils se font d’une équipe, parce que le mot «ensemble» a pour eux un sens.
Ensemble. Voilà sans doute ce qui caractérise le mieux le rugby. Quand l’Angleterre, éliminée dès la phase de poules d’une compétition qu’elle organise, crée une commission pour essayer de comprendre comment son XV de la Rose a pu tomber aussi bas (dans une poule qui comprenait l’Australie et le pays de Galles, tout de même), la France se lance dans la guerre des communiqués ; à qui aura la meilleure idée pour ne pas donner l’impression de n’en avoir eu aucune, ou alors des mauvaises, pendant quatre ans.
Guy Novès commence son mandat le premier novembre. Il va porter une faute originelle avant même d’avoir annoncé sa première liste : il été choisi par deux personnes, Pierre Camou et Serge Blanco, alors qu’une commission de sept membres devait l’élire. Il n’avait envoyé qu’une simple lettre de déclaration d’intention alors qu’à ma connaissance au moins trois entraîneurs, Fabrice Landreau, Fabien Galthié et Raphael Ibanez, avaient concocté un programme de travail précis et étayé, impliquant en synergie la DTN, les clubs et les différentes équipes de France, dans tous les registres : préparation physique, développement, communication, encadrement, jeu, innovations technologiques…
Quand bien même Novès parviendrait – il en est capable – à imprimer rapidement et efficacement sa touche personnelle là où tous (Fouroux, Dubroca, Berbizier, Laporte, Lièvremont, Saint-André) ont échoué depuis trois décennies, il ne resterait dans l’Essonne que deux ans, le temps que Bernard Laporte, annoncé haut et fort président de la FFR, se choisisse un fauteuil, un bureau et un nouvel entraîneur national. Perseverare diabolicum.

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