Choix charnière

Nouvel entraîneur national, Guy Novès annoncera jeudi matin sa première composition d’équipe. Elle est très attendue. Pas tant devant ni derrière qu’à la charnière. Car ce duo d’orchestrateurs a toujours été le point faible, voire très faible, du rugby français. Jamais demis de mêlée et ouvreurs tricolores ne se sont vraiment installés sur la durée. Le plus emblématique d’entre les dix, le Dacquois Pierre Albaladejo, n’avait-il pas deux demis de mêlée pour le servir, Lacroix et Danos, aux profils différents voire opposés ?
On évoque très souvent le jeune toulousain de Bagneux, Sébastien Bézy, pur talent, buteur précis – finalement pas si jeune que ça puisqu’il a déjà 24 ans – et du parisien Jules Plisson à l’ouverture, lancé sous PSA. Mais le duo Machenaud-Doussain propose de son côté une solidité qui peut assurer ou rassurer quand on part, comme c’est le cas, dans l’inconnu. En tout cas, la première charnière de Novès sera auscultée puisque c’est elle qui donnera le ton et le tempo, samedi, contre l’Italie.
Il faut remonter avant les ères Lièvremont et Saint-André pour trouver trace d’un match durant lequel le XV de France aurait enflammé les travées du Stade de France dans le Tournoi. Alors on peut espérer se réchauffer quand ont voit le Stade Toulousain, dont Novès fut l’entraîneur, jouer sans frein, heureux et libéré, avec des passes dans l’intervalle, des prises d’initiatives – même Louis Picamoles libère le jeu au ras. On se dit que l’esprit et l’intelligence peuvent éclairer Saint-Denis, samedi. En tout cas, on l’espère fortement.
Pour l’aider, Novès, il a Jeff Dubois, passé par Toulouse mais formé à l’école de Peyrehorade, aux confins des Landes, du Béarn et du pays Basque par son papa Gaston, un authentique éducateur, de la meilleure veine. Titou Lamaison et Julien Peyrelongue ont été eux aussi élevés – à tous les sens du terme – dans cette académie de la passe, et voilà bien deux ouvreurs internationaux qui assurèrent la transmission. On rappelera ici le rôle premier de la charnière : transmettre en accélérant, en entraînant.
Jeudi, Novès se lance dans l’aventure bleue : fédérer un groupe et donc commencer par choisir ses quinze premiers titulaires. On regardera la composition de sa troisième-ligne, qui en dit toujours long sur le style de jeu, les articulations, les champs d’expression. Mais je reviens à la charnière : le rythme, les choix, le lien, le liant, c’est elle. Elle est le caractère de ce qui n’est pour l’instant qu’une sélection et pas encore une équipe.
Ce qui assure ma liaison avec le finale de Super Bowl, cinquantième du nom, entre deux grosses défenses et deux quaterbacks (la clé de jeu, soit moitié demi de mêlée, moitié demi d’ouverture) exceptionnels : un jeune loup, Cam Newton, face à un briscard, Peyton Manning. Ce sera dimanche prochain, 7 février, au lendemain de France-Italie, entre les Broncos et les Panthers – personne ne dit Denver vs. Caroline. Nous y reviendrons puisque le football américain, «gridiron», est un avatar du rugby devenu là-bas construction tactique massive. Surmontée d’un seul homme, le quarterback, joueur clé.

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Arbitrage tout court

Exit la Coupe d’Europe et retour au Top 14. Ainsi va le calendrier, tranché comme un saucisson. La preuve, tout de suite après surgiront deux semaines de Tournoi. Changement de niveau, de ton, de jeu et aussi et surtout d’arbitrage, qui est au rugby ce que la baguette est à la direction d’orchestre.
L’actualité nous incite à nous méfier des changements de température. Dans l’arbitrage, un coup de froid domestique est vite arrivé, même si Pierre Albaladejo, avec lequel j’ai passé un long moment ovale et tauromachique il y a quelque temps, remarque que l’arbitrage français était à l’heure actuelle le meilleur au monde. Il faut bien que nous soyons champions de quelque chose, dans ce sport.
L’ancien directeur de jeu, Joël Jutge, au cœur des réflexions de la World Rugby, nous indique que l’hémisphère sud revoit son utilisation de l’arbitrage vidéo en n’utilisant le super ralenti que dans l’en-but. Aussi avions-nous échappé de peu au « challenge d’équipe », à savoir la possibilité pour un entraîneur de demander à sa convenance et une fois par mi-temps un arbitrage vidéo. Comme s’il n’y en avait déjà pas assez.
Marie en 1965, Domercq – pour l’inoubliable Barbarians – Nouvelle-Zélande de 1973 – Palmade, Hourquet… Rarement évoqués dans l’histoire ovale, les arbitres de qualité sont pourtant, comme les grands joueurs, des ambassadeurs dont il reste trace. Sans remonter à Muhr et Rutherford, Amand, Brutus, Dedet et de Coubertin, il y avait au temps de la balle et des crampons en cuir une noblesse à diriger à la façon d’un chef d’orchestre.
Robert Parienté, ancien directeur de la rédaction de L’Equipe, érudit passionné de littérature et de musique, a rédigé en 2004 une somme sur la direction d’orchestre intitulée « la Symphonie des Chefs », témoignage captivant sur l’art d’interpréter une œuvre. En lisant régulièrement quelques pages de cet ouvrage, je mesure à quel point le rugby s’éloigne de sa vocation première en utilisant l’arsenal audiovisuel pour juger quand il ne s’agit, pour un sportif, que d’accepter une décision.
En 1935, un Polytechnicien, deuxième-ligne, champion avec le Racing club de France, devint responsable de la commission des arbitres. Lors de sa prise de fonction, il tînt à ses coreligionnaires un discours saisissant, dont voici quelques extraits : « Un seul facteur compte : le caractère. Dominez-vous. Vous êtes sur le terrain pour que la partie se déroule normalement, et non pas pour prouver votre science. Vous devez voir non seulement le porteur du ballon et son entourage immédiat, mais le jeu dans sa totalité ; anticiper le développement possible de la phase en cours, prévoir les conséquences d’une faute ou d’une erreur de jeu, apprécier les intentions et les motifs du joueur. Il faut que tout cela soit devenu presque intuitif chez vous, et que votre décision et votre coup de sifflet, s’il y a lieu, soient pour ainsi dire simultanés. »
Et d’ajouter : « Un dernier  conseil : il n’y a pas d’arbitrage large et d’arbitrage serré. Il n’y a pas d’arbitrage de parties de championnat et d’arbitrage de parties amicales. Il y a l’arbitrage tout court. » Ceux qui font avancer les règles du rugby dans l’ère électronique seraient bien inspirés de relire cette profession de foi écrite par Jacques Müntz, celui-là même qui, d’un trait de génie, sut définir le rugby en une formule lapidaire : « Un jeu d’échecs joué à toute allure. » Quelle pièce en serait l’arbitre ?

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Nouvel agenda bleu

Attitude. Voilà bien le maître mot de Guy Novès. Attitude aussi, pour évoquer la prestance et les performances de Sergio Parisse, élu joueur de l’année par ses pairs. Tout ou presque serait donc dans l’allure, le maintien, mais aussi le regard, la lecture du jeu. L’intelligence, en un mot. Ce mot qui manque tant à l’équipe de France depuis quelques temps. En mai 2007, alors que je l’interviewais pour L’Equipe Magazine dans son petit bureau d’Ernest-Wallon à côté du vestiaire des pros, Guy Novès – et nous avions évoqué la possibilité qu’il devienne manager des Tricolores –  m’avait dit : «Je crois en un rugby d’intelligence.» Il l’a prouvé avec Toulouse, il va devoir le transposer en bleu. Ce challenge l’attend.
Il a précisé qu’il ne parlerait pas d’avenir mais du présent. Mais en attendant France-Italie le 6 février prochain, il a sélectionné trente et un joueurs et, sur ce premier tri, douze jeunes – dont cinq néophytes – entre vingt et vingt-quatre an, à savoir Jefferson Poirot, Camille Chat, Sébastien Vahaamahina, Paul Jedrasiak, Yacouba Camara, Hugo Bonneval, Sébastien Bézy, Jean-Marc Doussain, Jules Plisson, Gael Fickou, Jonathan Danty et Virimi Vakatawa. Sans évoquer le futur, il a déjà construit une première ossature en pensant très fort au Japon, et en regardant à l’horizon la Coupe du monde 2019. Madré.
A nous de décrypter sans cesse sous l’ère Novès. Il y a ce qu’il pense, ce qu’il dit aux joueurs et ce qu’il lâche à la presse. Mardi, c’était drôle, il n’a répondu pour ainsi dire à aucune des questions posées par mes confrères, sauf peut-être à celle, et elle a été répétée, qui touchait à son caractère, intransigeant et exigeant. Elle concernait la crainte qu’il inspire. «Qu’ils me craignent, j’en suis désolé.» Mais il n’a pas nié. On imagine même que ça lui fait un peu plaisir. De la crainte nait le respect, pense-t-il. Sauf que là, le grand-père qu’il est va se coltiner en direct mais pas souvent à des gamins qui pourraient être ses petits-enfants. A voir.
Exit la génération « perdue » dont nous parlions il y a peu, celle de nos talents laissés en jachère : Mermoz, Trinh-Duc (sur blessure ?), Bastareaud, Le Roux, Chiocci, Kayser, Dulin, Guitoune et j’en passe… Quel vide, soudain. On a conscience que le principal problème du trio d’entraîneurs passés, Saint-André – Bru – Lagisquet, fut peut-être de ne pas avoir choisi les bons Bleus. Et pour nous, observateurs, suiveurs, supporteurs, d’avoir cru que certains de ceux-là étaient porteurs d’espoirs.
Nuit du rugby lundi à l’Olympia, liste des 31 mardi à Marcoussis et de s’apercevoir que l’ennui du rugby, c’est bien qu’il n’y a qu’un capitaine «à l’essai» pour incarner les prochains combats. Après Matt Giteau, voici Parisse Sergio meilleur joueur en France. Novès va donc chercher un demi de mêlée international, Jean-Marc Doussain, pour le placer illico à l’ouverture. Quid de Camille Lopez ? Je me suis fait dessouder quand j’ai écrit, à l’issue d’un France-Galles le 28 janvier dernier, que le dix clermontois me paraissait trop décalé, peu lucide et inquiétant. Guy Novès me donne raison un an plus tard en l’écartant lui aussi de sa liste.
En revanche, le choix de Doussain, jamais bon en bleu depuis une certaine finale du Mondial 2011, et pas particulièrement brillant avec le Stade Toulousain ces temps derniers, m’inquiète. «Il a gagné sa sélection sans s’en apercevoir» glissait Novès, mardi matin. Il n’est pas le seul à n’avoir rien vu venir. Doussain en équipe de France, j’avoue que c’est un contre-pied magistral. Et là, pour le coup, je n’aurais pas trouvé illogique de faire appel à Lopez, plutôt bon avec Clermont en ce moment. Comme quoi…
Novès choisit ses mots. Quand on lui parle de Toulouse et de son jeu, il répond contenu sur le terrain et à l’entraînement. Le cadre dans lequel il est abordé, et aussi son essence, c’est-à-dire l’intelligence et l’adaptation, voilà l’approche toulousaine, celle de Robert Bru et, indirectement via le duo Villepreux-Skrela, de René Deleplace. Une patte perdue depuis trois saisons. On espère que Novès sait encore griffer. Lui se dit en mission, et pas pour le soigneur. Faire passer, tel est son souhait. C’est pourquoi il a souhaité rencontrer à trois reprises (4 et 11 janvier, 25-27 janvier) les joueurs dans lesquels il a placé sa confiance, afin de leur «donner les informations importantes concernant (son) projet.» Pour quelqu’un qui pensait, il y a peu encore, que quelques stages de plus ou de moins ne pouvaient pas transformer le jeu de l’équipe de France, le moins qu’on puisse écrire c’est qu’il a bien changé d’appuis. Il faut croire que la fonction crée l’agenda.

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Question d’attitude

Au moment où revient la Coupe d’Europe pour une longue parenthèse, je relis la chronique d’un philosophe et académicien, Jean-Luc Marion, dont le titre s’inscrit dans le prolongement de tous les vœux que je vous souhaite : « Ce que nous avons perdu : l’attitude ». Triple entrée puisqu’elle ouvre le n°67 d’Attidude Rugby, trimestriel de haute tenue.
C’est donc bien cela qu’il faut retrouver en cette année 2016 : l’attitude. « Du rugby passable n’est plus du tout du rugby, écrit ce phénoménologue. Il y a pire que perdre un match de rugby – perdre son rugby, ne pas parvenir à jouer du rugby comme tel. » Et d’ajouter : « L’équipe de France a perdu, contre la Nouvelle-Zélande, plus qu’un match. Elle a perdu le rugby. Or elle n’en a pas le droit, parce que c’est elle qui, il y a encore peu, l’avait porté à son accomplissement. »
Pour comprendre ce que Jean-Luc Marion signifie, il faut reprendre sa longue et riche chronique au début, développement précis de ce qu’est le rugby, de ce qu’il représente, de comment il s’articule. En couverture de ce Spécial Coupe du monde, la photo de Dan Carter, visage serein nimbé de pluie, fort d’un titre mondial comme on accomplit une mission. De quoi nous faire passer l’hiver à Colombes.
Certain mécène semble se lasser de courir après la gloire-libido une fois qu’elle est transformée en trophées ; d’autres continuent de construire un palmarès béton ; tous nous rappellent que les valeurs sont sensibles, parfois instables, souvent éphémères, et que le développement durable en rugby ne se trouve jamais aussi bien que préservé dans certaines enclaves, à l’abri des tempêtes du classement.
Samedi, dans L’Equipe Magazine, mon ami Jean-Christophe Collin – un ami, c’est celui qui se jette dans le ruck pour éviter que vous soyez piétiné – dresse à la façon dont Salinger hissait haut la poutre maîtresse le portrait du Brviste Arnaud Mela, l’un des derniers gaillards d’avant taillés dans le bois dont on fait les meilleurs deuxième-lignes. Espèce menacée.
Le Pyrénéen Mela assure, en parlant de Jamie Cudmore, son alter ego canadien de Clermont : « C’est quand même mieux de partager une bière avec un mec comme lui qu’avec certaines starlettes d’aujourd’hui qui doivent demander l’avis de leur agent pour savoir s’ils ont le droit de sortir boire un coup. » C’est taillé par des bûcherons. Me revient immédiatement l’écho – « starlettes » – d’une saillie de Philippe Saint-André au lendemain d’une défaite contre le Pays de Galles au Stade de France dans le Tournoi 2015.
Que le XV de France version Novès ne soit pas capable de faire naître naturellement un capitaine au point d’ajouter à la nomination du méritant Guirado un « à l’essai » en dit beaucoup sur cette génération perdue  – « gâtée », nous glisse Christian Badin – qui s’est abîmée deux fois à Cardiff – contre l’Irlande et la Nouvelle-Zélande – à l’automne dernier. A défaut de label bleu et d’hommes atout flair, c’est d’abord d’attitude dont le XV de France a besoin. Pour les sélectionnés, le niveau intermédiaire entre le Championnat domestique (et parfois trop domestiqué) et le Tournoi s’appelle Coupe d’Europe. Dans un hiver qui oscille, gardons l’œil sur ce baromètre. La première journée « rejouée » est d’ailleurs riche d’enseignements, dans le sillage de Sakou Macalou et par ailleurs des ballons portés.
 

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A vos souhaits

Le rugby français s’apprête à traverser un nouvel hiver. Coupe d’Europe, Top 14 et le Tournoi à préparer. A la charnière des ères, celle de Saint-André mal pliée, celle de Novès toute neuve qui nous donne rendez-vous le 6 février au Stade de France face à l’Italie. Et au milieu rebondit le meilleur Championnat des clubs que la terre nous envie, incapable de produire du jeu pour le haut niveau, en témoignent les lourdes défaites encaissées face aux Anglais.
La réaction est mauvaise conseillère. Pourtant, les Sujets de sa Gracieuse, vexés par leur échec lors du Mondial, s’en remettent au meilleur de leur rugby pour se relancer. Ils bonifient à coups d’essais, de temps multipliés, de séquences longues comme une attaque sans fin. Chez nous, on attend encore les effets de la honte bleue d’après Coupe du monde. Le fiasco semble ne pas avoir été digéré.
Que se souhaiter de bien et de bon pour l’année qui s’ouvre ? Qu’espérer ? Vers quoi tendre ? Que regarder ? Et d’abord peut-on s’enthousiasmer comme si de rien n’était ? Le bilan de la catastrophe n’a pas été effectué. Il est encore à venir. Nous n’avons rien vu ni entendu au sujet des raisons de la défaite du XV de France, enrhumée en match de poule face à l’Irlande, exténuée en quart de finale devant les All Blacks. Comme s’il était possible de faire l’économie d’un diagnostic vital.
Voilà bien notre souci : ne pas savoir analyser froidement pour mieux repartir. Nous avançons sur des champs de ruines, les pieds dans les cendres, en nous bouchant les yeux. Parce que les oreilles, ce n’est pas la peine : personne n’a quoi que ce soit de particulier à dire. Ou plutôt si, mais ça ne concerne que le pouvoir et sa prise. La campagne des présidentielles est ouverte à la FFR. Et on peut craindre que volent bas les coups quand seule la pensée en hauteur pourrait sauver ce qui peut encore l’être. Là aussi, il faut s’attendre au pire. L’enjeu est taillé pour.
Les All Blacks ont pourtant montré la bonne façon de vivre ce jeu : en restant debout. On l’a répété, ici. Mais je n’ai pas l’impression que la leçon de tableau noir ait été assimilée. Une journée de Coupe d’Europe à venir saucissonnera le Championnat perclus d’habitudes. En cette fin d’année, en ce début de prochaine, le rugby devrait pourtant s’habiller de fêtes. Il occupe tout l’espace médiatique. Saura-il en profiter, les doigts gourds ?
Si vous imaginez un cadeau ovale, je vous conseille d’offrir «Tony Moggio, talonneur brisé», aux éditions Privat. Emouvant. L’ouvrage tisse du lien ; redonne du sens à ce qui parfois nous échappe. L’occasion, au présent, de vous souhaiter Joyeux Noel et Bonne Année. Avant de vous retrouver d’attaque en 2016, le 8 janvier. A un mois du Tournoi.

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Génération Titi

Lors du Mondial 2015, son troisième et dernier, le capitaine des Tricolores a eu du mal à faire passer son message à quelques-uns de ses partenaires. Message d’ardeur, de labeur, de sueur, d’abnégation, message d’engagement sans frein, de fierté à partager, de plaisir à donner. Et pas seulement à prendre, comme on l’entend trop souvent à tort.
Avec son retrait, c’est une génération qui s’efface. Celle qui va de Chabal à Szarzewski, du brun chevelu au blond chevalier, en passant par Médard, Clerc, Heymans, Mas, Papé, Nyanga, née avec lui. Une équipe de France entrée en 2007 dans son histoire à Cardiff un soir de quart, puis victorieuse des All Blacks à Dunedin en 2009, battue de peu en finale du Mondial 2011 et brisée quatre ans plus tard.
Les All Blacks ont marqué l’histoire tricolore de Thierry Dusautoir comme jamais équipe, nation, culture n’ont été associées à ce point à un seul joueur. Il en gardera, et nous aussi, des bleus à l’âme, des fiertés et des douleurs, de quoi graver l’épique et l’épopée dans notre imaginaire à une époque, la nôtre, plutôt avare de ce genre d’aventure à plusieurs autour d’une idée force.
Autant sur le terrain Jean-Pierre Rives, avec lequel j’échange avec bonheur, était un capitaine fracassé, autant Thierry Dusautoir fut un capitaine fracassant. Si l’un est capable de sertir des aphorismes comme on trempe son sachet de thé dans l’eau chaude, l’autre reste chiche de ces sentences qui traversent les décennies et se transmettent entre fines bouches.
Une voix douce et une voie dure. Contraste saisissant quand l’homme devient joueur, quand le discret atomise. Respectueux , Dusautoir devenait Titi le maillot enfilé, comme s’il entrait dans une autre peau. Que garder de lui pour l’avoir côtoyé ? Un sourire qui pouvait irradier, le regard qui scrute avant de pétiller, des manières élégantes, raffinées presque. Et des mots choisis. Rares mais précis. Taillé brut dans le roc mais poli. Toujours poli.
Thierry Dusautoir quitte le XV de France, Marcoussis, le Tournoi et les tournées sans regret, visiblement. Il emporte un record, 56 capitanats, autant dire un sommet qui semble inatteignable aujourd’hui pour celui qui prendra la suite, soit sept saisons pleines à la proue d’une équipe qui semble désormais devoir être composée de joueurs qui n’en font qu’à leur tête, si l’on en croit le débrief du Mondial passé.
Il faut parfois du temps pour se rendre compte qu’on a croisé un homme rare ou un joueur d’exception, un être qui agrège le meilleur de tous. Jean Prat, Mias, Crauste, Moncla, Walter Spanghero, Dauga, Christian Carrère, Rives, Dintrans, Dubroca, Berbizier, Blanco, Tordo, Roumat, Galthié, Sella, Benazzi, Pelous, Ibanez, Nallet… D’entre ses égaux, Thierry Dusautoir est le premier monté au plus haut, jusqu’à la lumière, sans s’aveugler, sans vouloir nous éblouir, ni se brûler les ailes. Il redescend aujourd’hui en évitant les confidences de trop, à demi-mots, sans rien attiser, laissant ce qu’il a vu et entendu à l’endroit qui sied : là-bas, dans le feu du jeu.
Je m’interroge : quel est ce glissement de terrain qui a emporté ses derniers mots, ce malentendu, ces non-dits ? Pourquoi une partie de l’équipe de France, qu’il commandait par l’exemple plus que par le verbe, n’a-t-elle pas adhéré à son discours durant l’été et l’automne, lequel reprenait les vertus simples de ce jeu, quand il ressemble à la vie ? Cette fracture a de quoi nous inquiéter.

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Vic en Béarn

Carter, Slade, Smith, Nonu. La marque noire fait recette. Un champion du monde en haut de l’affiche et parfois deux, comme c’est le cas pour Pau. Les premiers rôles sont désormais distribués et la terre du bon maire François en récolte davantage que les autres. Le All Black n’est pas bon marché mais la Section a décidé de mettre les bouchées doubles pour animer son milieu de terrain. Ailleurs, à Montpellier et à Bordeaux, on attend de voir à l’œuvre les Springboks et les Wallabies. Le Vert galant, lui, vérifie son total.
Dès qu’il a posé le pied sous les Pyrénées, Colin Slade s’est écrié, en conférence de presse : « Ca ressemble à la Nouvelle-Zélande. » Opération marketing et communication bien menée. Associer ainsi le Béarn et l’île du long nuage blanc aura peut-être de quoi susciter des vocations à terme, court ou moyen, dans le cas, fort probable, où d’autres All Blacks ou à défaut de simples kiwis seraient tentés par l’aventure paloise, pour peu que la Section se maintienne, ce qui n’est pas gagné d’avance dans un bas de tableau relevé.
Slade et Smith au Hameau, ça me rappelle ma rencontre avec Vic Yates à Awanui*. Nuit tombée, bar entre deux villages en bord de forêt, au croisement de départementales. Odeurs de parfum bon marché, de bière renversée sur la moquette épaisse, de poussière collée au bois des étagères encombrées de bouteilles d’alcool aux trois-quarts vide, et d’urine quand la porte des toilettes, à battants, s’ouvre pour laisser entrer ou sortir un client. Pénombre. Le son mat d’une canne de billard sur la boule. Les murmures de discussion. La télévision allumée.
Vic Yates est au bar. Accoudé. Un colosse de presque soixante-cinq ans qui en parait quinze de moins. Taillé comme Benoit Dauga, dur comme Marc Cecillon, le visage de Jack Palance. Grand donc, costaud, émacié. Une petite poignée de sélections avec les All Blacks alors qu’il en aurait mérité dix fois plus. Passé au XIII pour subvenir aux besoins de sa famille. Et surtout fâché avec le capitaine emblématique de l’époque, le pilier Wilson Whineray qui deviendra Sir. Une vie comme un roman, hachée comme le torrent de Délivrance. Sacrée rencontre.
Cinq pintes plus tard, Vic Yates me raconte qu’il a failli jouer à Pau et me demande comment va François Moncla. Il évoque la tournée de l’équipe de France en 1961 à l’issue de laquelle le capitaine tricolore et lui scellèrent brièvement une amitié durable malgré l’éloignement. Il a apporté une lettre, froissée par le temps, écrite par François « Les Bas Bleus » de retour en France dans laquelle il est question qu’il vienne jouer pour la Section Paloise. Vic Yates m’avoua qu’il a hésité longtemps mais finit par se rendre à l’évidence : ses parents et sa famille avaient besoin de lui ici, dans le nord de l’île du nord. Il resta à North Harbour et Whangarei.
Cette lettre était pour lui une ouverture sur l’ailleurs quand sa vie commença à basculer du mauvais côté. Elle lui rappelait qu’il avait été quelqu’un, qu’on aurait aimé jouer à ses côtés, là-bas, en France, à Pau, une ville sous les Pyrénées. Et Moncla avait ajouté : « Dans une région, le Béarn, qui ressemble un peu à la Nouvelle-Zélande. » Colin Slade n’a jamais lu cette lettre, Vic Yates est décédé il y a maintenant sept ans, il fallut attendre 1970 pour que deux All Blacks, l’ailier Mike O’Callaghan et le demi de mêlée Chris Laidlaw jouent en France – l’un à Poitiers, l’autre à Lyon. Le Béarn, lui, s’y est mis avec beaucoup de retard. Je ne sais pas si François Moncla se rend régulièrement au Hameau mais s’il n’y est pas, un peu de lui et de Vic s’y trouvent. On porte toujours l’histoire des autres quand on enfile un maillot.
Vic Yates était maori. Bagarreur, colérique, éruptif, susceptible mais aussi généreux et chaleureux. Il avait entendu dire que Christian Califano s’était fait tatouer. Hommage à une culture dont l’ancien tricolore est devenu l’ambassadeur en France après avoir été le pilier des Auckland Blues en Super 12. Christian, qui porte l’âme des guerriers sur la peau de son dos, était à Pau il y a peu, à l’invitation du club qui fêtait son retour dans l’élite et le début de sa saison aux milieu des sponsors. Sans Conrad Smith ni Colin Slade. Le rugby aime boucler ainsi des cercles vertueux.
* Rugby Land (éd. Philippe Rey, 2011)

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Debout

Une chose que les récents événements nous ont appris, c’est qu’il faut rester debout. Et là, on parle rugby. Il faut donner vie. En l’occurrence ici au ballon. C’est l’enseignement du dernier Mondial, plutôt enthousiasmant de ce point de vue, et on remarque bien, en regardant les rencontres de Coupe d’Europe, du moins celles qui n’ont pas été reportées pour cause d’événements justement, qu’il se prolonge.
Debout, c’est le rugby pratiqué depuis deux journées de Coupe d’Europe par les Anglais, désormais revenus en club. Et aussi celui des Gallois, du moins les Ospreys, multipliant les initiatives jusqu’à la dernière seconde à Marcel-Michelin. Un jeu de recherche d’intervalles, à défaut de s’isoler dans l’espace. Un jeu de passes et de mouvement(s). Pas besoin de gros gabarits, les appuis suffisent. Et surtout l’envie.
Jouer, c’est éviter qu’une ligne de hors-jeu se matérialise au sol, éviter que les défenseurs se replacent en fonction de celle-ci. On remarque le bras tendu des «gardes», ces premiers plaqueurs au ras des rucks : signe que la défense, bien alignée, commence à prendre l’avantage sur l’attaque. Que le surnombre va rapidement pencher en faveur de ceux qui n’ont pas le ballon.
Pierre Berbizier, avec lequel j’échangeais sur le sujet, remarquait la vitesse avec laquelle les demis de mêlée accéléraient le tempo. «On a retrouvé des demis de mêlée qui collent au ballon et ne perdent pas de temps à l’éjecter, dit Berbize. Au point qu’on a presque l’impression qu’il n’y a pas de ruck, pas d’arrêt au sol.» Effectivement, quand on regarde les rencontres de ce Mondial, pas plus de deux secondes entre le moment où le porteur de la balle va au sol et se place en position de l’offrir à son demi de mêlée, lequel l’expédie illico. Et c’est ce qu’on a revu en Coupe d’Europe.
L’échec – encore très relatif – des clubs français lors de ces deux journées européennes tronquées provient du fait qu’ils n’ont pas encore intégré cette donne. Le passage du ballon au sol est un aveu collectif d’impuissance, un  coup d’arrêt funeste, la fin du fameux «momentum» cher à nos techniciens, expression latino-anglo-saxonne pas encore traduite et qui signifie, si l’on en croit une définition pas contrôlée, le tempo. Mais je préfère celle d’Alexandre B., dans un des commentaires de ce blog, à savoir élan.
Il s’agit de l’accélération du mouvement, de la vitesse du jeu par l’addition des passes dans la défense, de prises d’intervalles, de rucks éclairs, de transmissions courtes et sèches comme autant de mèches prêtes à déclencher l’explosion de la défense. Ce tempo – un scherzo -, ce rythme accéléré à chaque mesure nous vient des Japonais, les premiers, à Brighton, en septembre dernier et s’est propagé. Sauf que tout le monde n’a pas été capable de le capter.
Dans le prolongement de ce constat, Fabien Galthié remarque que l’image des entraîneurs français à l’étranger s’était petit à petit détériorée depuis huit ans ; qu’il y avait urgence à repenser notre jeu ; à affirmer notre culture, laquelle correspond au jeu debout, soutien permanent autour du porteur de la balle, regard précédant la passe, prise d’intervalle, assurance que le rythme ne sera pas cassé et pour cela éviter le mètre de trop.
L’avantage de la Coupe d’Europe, entre de grosses séquences de Championnat, c’est qu’elle sert d’observatoire du long terme. On sent bien, dans la foulée d’un Mondial 2015 raté par le XV de la Rose, que le rugby anglais est loin d’être fané. Quatre leaders de poules sur cinq affichées, le signal – fort – est envoyé. J’ai hâte de savoir s’il s’agit d’une constante ou d’une réplique. Rendez-vous mi-décembre.
Prochaine chronique, mercredi 2 décembre. « La nuit du rugby »

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Au plus haut

Après le tableau le drapeau. Noir. Capitaine Richie McCaw s’arrête, et la légende Jonah Lomu s’en est allée. Reste l’horreur qui flotte encore, malheureusement, autour de nous. Ces deux All Blacks représentaient l’honneur d’une nation, d’un sport. Ils laissent derrière eux des records pour être battus. Ou pas. Mais surtout des regrets. Richie de n’avoir pas su rester plus souvent debout, Jonah de l’avoir été trop peu, bloqué sur la ligne des quarante.
Richie, coquin de sol, sera pilote d’hélicoptère. Désormais, la seule ligne qu’il ne pourra pas dépasser, c’est l’horizon sans cesse renouvelé d’une vie qui ne passera pas par la case «chéquier». Il en sort grandi en attendant d’être anobli. Jonah lui aussi est au ciel. Il y croyait. Et n’oubliait jamais une pensée pour ses adversaires, afin qu’ils ne soient pas blessés durant le match. Car il n’avait que des amis.
Derrière McCaw, je ne sais pas qui il y a eu, qui il y avait. Mais derrière Lomu, beaucoup d’amour. C’est bien de ça dont nous avons besoin en ce moment. Je n’oublierai pas cet été 2000 où nous nous sommes rendus un dimanche, mon copain Michel Deschamps, photographe, et moi, sur les traces de Jonah, trente kilomètres au sud d’Auckland, entre les vallons, pour dénicher Wesley College*.
Monsieur Palivi. Amanaki de son prénom. Trapu comme un moine. Homme de convictions. Sa maison est à l’entrée de l’établissement. Entre la route départementale et la cour principale. Au milieu, sur la droite, en contre-bas, des terrains ; au moins trois. C’est là que débuta Jonah. Après avoir jeté sa rage, sa colère et sa frustration d’enfant battu par son père, déformé par la rue, au milieu d’une violence absolue.
Jonah, déscolarisé, désabusé, n’aimait personne. Même pas lui. Il cherchait la bagarre. Jusqu’au jour où il trouva une paire de gants de boxe devant la porte de sa chambre, accompagnée d’un billet signé de M. Palavi l’encourageant à aller cogner dans un sac de sable plutôt que de continuer à jouer les petites frappes. Le prof en tongs venait d’infléchir la pente naturelle de celui qu’on appellerait cinq ans plus tard l’homme montage.
Il faut un village pour élever un enfant. Il faut surtout de l’amour. Lomu en a trouvé autour de lui, mère, épouses, éducateurs, mais aussi coéquipiers, agents, sponsors et adversaires. Jamais joueur n’a été autant apprécié, respecté, ne s’est lié d’autant d’amitiés. A l’unanimité. Jamais aussi joueur n’aura été comme lui plus grand qu’une équipe et pas n’importe laquelle : celle des All Blacks.
Deux étoiles se sont éloignées : McCaw et Lomu. Elles éclairent les extrémités du long nuage blanc, cette île double et ovale qui règne sur les terrains depuis que le rugby s’est ouvert aux voyages. L’un est un parangon d’altruisme, capitaine d’exemple, figure tutélaire froide comme un règlement, plus fin qu’une ligne de hors-jeu. L’autre est une légende, LA légende, ailier volcanique et inconstant, totem emblématique d’un sport devenu professionnel, personnage de jeu vidéo.
McCaw symbolisera sans doute longtemps les All Blacks, Lomu était plus grand qu’eux. McCaw réunissait les valeurs de cette discipline, Lomu les a dépassé, créant une zone d’expression où il était seul à entrer. Habana, Campese, Blanco, Wilkinson, O’Driscoll ? Juste derrière. Pas loin, mais derrière. McCaw se plaçait au milieu, Lomu plus haut. C’est d’ailleurs là où il s’est engouffré.
L’un, dont le numéro, le profil, le sourire, les épaules, resteront gravées dans l’imaginaire, n’a jamais remporté le trophée Webb-Ellis. Mais il est champion. L’autre l’a soulevé deux fois. Et même de suite. Mais on n’entre pas dans la légende uniquement avec des titres. Voilà qui mérite réflexion. Ceux qui sacrifient beaucoup pour une quête au bouclier à la coupe doivent savoir qu’à la fin ce qui compte – ce qui compte vraiment – ne s’achète pas.
Que serait devenu Jonah Lomu, petit cogneur à la dérive dans South Auckland, sans une mère aimante mais assez lucide pour l’obliger à quitter l’enfer des rues et rejoindre une institution scolaire pour enfants en difficulté ? Sans un éducateur avisé ? Sans le rugby ? En ces jours de destruction, face à ceux qui sèment la désolation, se rappeler que le sport collectif est – à l’égal des champs artistiques et des terrasses de café où nous ne cesserons de nous asseoir – un morceau d’humanité à partager. Un art de vivre.
*Rugby Land (Editions Philippe Rey, 2011)

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Tableau noir

Du jamais vu à ce niveau de la compétition. Aucune finale de Coupe du monde n’a été aussi spectaculaire, aussi envoutante, même. On a beau creuser, on ne trouve pas trace d’équipe offrant une telle performance. A ce sujet, il faudrait arrêter d’écrire «prestation» quand on évoque une démonstration de cette amplitude. Dernier à monter sur le podium à Twickenham, le coach kiwi Steve Hansen a reçu sa médaille des mains de Bernard Lapasset, Mr. World Rugby. Un ancien Rochelais devient donc discrètement double champion du monde.
L’art et la manière que ce troisième titre mondial néo-zélandais ; un morceau d’anthologie livré sur un plateau doré au pays qui a vu naître cette discipline sportive. Trouvera-t-on un qualificatif adaptée à cette symphonie de rugby. Digne de la Neuvième ? Hymne à la joie de jouer, sans aucun doute. Autant en 2011, les All Blacks avaient été tétanisés par l’enjeu, dans leur stade, devant leur public. Autant quatre ans plus tard, ils se sont ouverts en libérant le ballon dès que possible. Rugby de tableau noir, de cadre noir. Jeu de vitesse, de percussion, de rythme ; rugby d’exécution, de prise d’intervalle, d’ensemble. Monument. Bien plus imposant que Twickenham, plus étincelant que le trophée Webb-Ellis.
Les Australiens, dans tout ça ? Pour danser le tango, il faut être deux. Comme en amour. Seul, c’est bien aussi, mais il ne faut pas en abuser. Les All Blacks ont été grands parce que les Australiens ont été forts. Au sol, tout d’abord, pour récupérer des ballons dans les rucks et bloquer plusieurs avancées kiwis. Mentalement, surtout, menés 21-3, pour revenir à 21-17 en l’espace de onze minutes.
Les Wallabies de Cheika ont rallumé cette finale au moment où on pensait que les All Blacks leur avaient éteint la lumière. Mais dans un dernier quart d’heure de maîtrise totale, un dernier quart d’heure de champions, les All Blacks ont verrouillé leur titre. Par Dan Carter, dont le recrutement au Racing 92 – bien joué Jacky – va remplir les travées de l’Arena. Avant cela, c’est Ma’a Nonu – bien jugé, Mourad – qui avait vissé le score d’un exploit sur demi-terrain. Mayol l’attend impatiemment.
Quelle équipe pouvait empêcher les All Blacks d’entrer deux fois dans l’histoire ? L’Angleterre au meilleur de son jeu ? L’Afrique du sud avec un supplément d’étincelle ? Des Gallois, des Argentins ? Sans doute pas. Peut-être une équipe venue de Mars. Et encore. Avec des joueurs à quatre bras. Parce que le festival de passes noires a été si subtilement réalisé que rien ni personne sur notre planète ovale n’aurait pu l’annuler.
Que va-t-il rester de cette apothéose 2015. Tout, on l’espère. Le noir va devenir une couleur. Lumineuse. Une référence absolue, le fond d’écran de toutes les équipes. Une volonté offensive va rayonner, c’est obligé. Plus jamais quelqu’un ne pourra évoquer autre chose que le jeu, leur jeu. Il affiche complet. Rien ne peut en être retranché. C’est l’Outrerugby, expression de l’écrivain Benoit Jeantet. Parce que l’emporter est vital. Question de survie, dixit Charles Juliet visiteur dans le vent.
Et nous, observateurs, qu’allons-nous remporter de ce Mondial ? Des émotions, des frissons, des visions. Du rugby de rêve pour quatre ans, jusqu’à la prochaine au Japon. Cette Coupe du monde 2015 est «Le sacre du jeu», titrait L’Equipe Magazine avant cet apogée, sous la plume de Jean-Christophe Collin, son plus subtil messager. Rien n’est plus vrai, plus frais, plus jouissif, plus enjoué. Jouez, jouez…

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