Les vitamines du bonheur

Il y a des semaines où tout arrive. En blog. Comme par exemple des pilules à côté de votre assiette et des starlettes invitées à votre anniversaire. Un grand moment de honte, aussi, pour tout ce qui est en bleu et ovale. Et puis revient le Top 14, histoire de bien déséquilibrer le calendrier des cadences infernales et de nous replonger dans la quadrature du cercle ovale. Mais comment parvenir à faire émerger une cohérence quand le buzz rebondit dans tous les sens hors de l’essence ?
Le rugby est un grand sport. Parvenir à survivre à l’attaque frontale et simultanée de ces virus tient vraiment du prodige. Qui a dit que William Webb est lisse ? Pas tant que ça. Je le trouve robuste. Quand on a vu l’Irlande opposer ses vertus – combat et intervalles – à l’Angleterre, on ne peut être que rasséréné sur l’esprit  qui flotte sur le remugle qu’on veut nous faire prendre pour du professionnalisme.
Nous avons donc trinqué à Jean Prat, les valeurs qu’il prônait et transmettait, à savoir le «plaisir des mains et des yeux». Nous étions liés et c’est vraiment un grand plaisir que de savoir qu’une bande d’internautes se retrouve dans ce Côté Ouvert pour célébrer le meilleur, ce mystère rugby dont les tenants et les aboutissants nous échappent bien souvent. Dressez haut la poutre maîtresse, charpentiers !
Nos Bleus pâles ne pourraient-ils pas avaler les vitamines du bonheur ? Ça ferait du bien à tout le monde. Nous avons du mal à en rire car verts de rage après ce match foireux ; mais c’est mieux que d’en pleurer, mon avis ne valant pas davantage que celui d’un cochon de payant qui a dépensé trois cents euros pour «monter» à Paris. J’avais l’idée de demander aux Tricolores de verser leurs primes de match et de présence à une fondation caritative. Au moins, leur «je» prendrait du sens.
Où trouvez-vous vos vitamines du bonheur, ami(e)s de ce blog ? Les miennes sont rouges gallois et vertes comme l’Irlande. Elles sont aussi dans Le Bouc émissaire, un des arides ouvrages de René Girard – le philosophe, pas l’équarisseur de Vauvert, hein ? Le soir, depuis le début de ce Tournoi, je m’en infuse trois à quatre pages, pas davantage, parce qu’il me faut le temps de tout comprendre puis d’assimiler, mais ça me parle quand Saint-André s’exprime.
Je réécoute aussi, presque en boucle, la Neuvième de Beethoven et j’aimerais que le XV de France joue ainsi, l’âme à la joie. Et qu’elle demeure. Je vais voir Les Nouveaux Sauvages, conseillé au trio un peu maso PSA-Bru-Lagisquet. Ils y sont allés. Lagisque avait le sourire en sortant. Il l’a perdu depuis, anéanti dimanche soir dans le hall du Grand Hôtel après la pathétique performance (sic) de sa ligne de trois-quarts.
Précision : je lis partout et souvent le mot «prestation» pour évoquer ce qui est une «performance». Existe-t-il une «prestation sportive ?» Cette association limite zeugma m’interpelle. Prestation, ça fait devis, services, intervention, travaux… Performance, en revanche, s’interprête sport. N’est-ce pas, justement, parce qu’il n’y a plus de performance, dans ce XV de France, que la prestation s’impose ? Du néo-langage à l’usage des maux contemporains. En attendant de vous mener à Rome, j’espère que ce petit groupé pénétrant de mots vous aura rendu la pilule moins amère.

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L’âme bleue

Dans le nuit du 24 au 25 février 2005 s’éteignait Jean Prat. Deux jours plus tard, le XV de France affrontait le Pays de Galles au Stade de France et s’inclinait, 18-24. Dix ans déjà que « Mister Rugby » nous a quitté. John, comme l’appelaient ses amis. Après deux sélections, il avait «compris que le rugby n’était pas seulement un sport mais une façon d’être et de se comporter.» Et d’ajouter : «Ce qui fait l’attrait du rugby, c’est le plaisir des yeux et des mains.»
Voilà quelle était la teneur de notre échange téléphonique, ce 7 janvier 2005. Trois ans plus tôt, je l’avais accompagné à Twickenham pour les besoins d’un reportage publié dans L’Equipe Magazine. Chez lui, à Lourdes, il m’attendait sur le perron. Son sac était prêt depuis la veille et je me demande s’il n’y avait pas glissé ses crampons. Nous avons passé trois jours, sur Richmond, dans Twickenham et au cœur de Londres, à parler de rugby, et aussi des belles anglaises, ces voitures de sport stylées qu’il aimait tant.
Jean Prat évoquait le rugby mais en filigrane, il s’agissait de la vie. La sienne était ovale. Il en maîtrisait les rebonds. Le principe de la passe était premier. Il ne pouvait y avoir, pour lui, de rugby sans passe. Elle était le sésame de ce jeu. Ah, oui, j’allais oublier de vous le signaler : Jean Prat parlait du rugby comme d’un jeu. Pas comme d’un sport. Mais on sentait bien derrière ça qu’il définissait en permanence les contours d’une discipline. Quasiment d’une ascèse.
Quand il parlait, Jean Prat manipulait les mots. Il les employait avec précision, et je ne sais plus si nous parlions des passes ou des concepts. Il avait la phrase du jeu au bout des doigts, dont certains étaient cassés à force d’avoir plaqué. Je revois son visage, émacié malgré l’âge. J’entends encore ses phrases courtes. Elles claquaient. Ponctuées de longs silences, comme pour en mesurer la portée, l’effet.
Mon parrain en rugby, Jacky Adole, dans son ouvrage intitulé «Mon sac de rugby» (éditions Atlantica) raconte comment, affrontant au stade Marcel-Deflandre l’orchestre rouge et bleu des Lourdais de la grande époque, celle de la fin des années 50, il avait été suffoqué d’entendre Jean Prat engueuler un de ses partenaires pour un «deux contre un» conclu par une feinte de passe et un essai d’«égoïste» alors que le jeu appelait à la fixation et à la passe pour le décalage.
La légende, mais avec Jean Prat, elle se rapproche de la réalité, raconte qu’il avait même mis un jour une claque à son frère Maurice pour avoir vendangé semblable offrande ; Maurice, ce cadet forgé au feu des entraînements maniaques de son capitaine et ainé tellement aimé, jusqu’à devenir international à son tour… Jean Prat, pour des joueurs du charisme de Jean-Pierre Rives et Walter Spanghero, représentait le rugby dans toute son exigence, dans toute sa pureté. Eux aussi savaient.
Battu par les Gallois en 1955 à Colombes alors que le XV de France pouvait remporter pour la première fois un Grand Chelem, c’est par eux et sur leurs épaules que Jean Prat fut porté en triomphe. Sa « der » dans le Tournoi des Cinq Nations fut celle d’un géant hissé par ses adversaires. On trouvera difficilement plus grande marque de respect.
Je vous avais promis qu’en aucun cas d’ici la fin du Tournoi je ne plomberais l’ambiance en évoquant les Tricolores d’aujourd’hui. Nous avons mieux à faire. Samedi, à 18 h, au moment des hymnes, je voudrais que vous portiez avec moi un toast à la mémoire de Jean Prat. Ma flasque, en tribune de presse du Stade de France, sera remplie de Cognac.
Ami(e)s de Côté Ouvert, nous aurons une pensée pour cet homme qui a posé les fondations du XV de France. Avant lui, ce n’était qu’une sélection composée de joueurs venus d’horizons différents. Avec lui, entre 1945 et 1955, troisième-ligne aile de soutien, capitaine et buteur, est né notre jeu. Pour les Anglais, avares de compliments, Jean Prat personnifiait le rugby. Pour nous, ad vitam aeternam, il en est l’âme bleue. Il y a dix ans, ces cendres ont été dispersées par sa compagne, Marie-Josèphe, autour du lac des Aires, dans le cirque de Troumouse. Mais il est toujours là, assis en tribune, à regarder jouer le XV de France. Bon match, Jean !

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Le Big Banc

Pendant que la Nouvelle-Zélande prépare déjà la relève, c’est-à-dire la composition de l’équipe nationale qui attaquera le Four Nations 2016 au lendemain du Mondial, les sélectionneurs tricolores viennent tout juste de finaliser leur banc des remplaçants dans le Tournoi actuel. On a les règnes qu’on mérite. Ceux qui gouvernent le bateau bleu tentent de nous rassurer en alignant du poids en fin de match, guidés par le courant alors qu’ils devraient tenir un cap.
Mais voilà au moins un truc qui fonctionne en équipe de France : le banc des remplaçants. Encore que ce soit bizarre de commencer par la fin, de construire le garage alors qu’on n’a pas posé la moindre fondation ; mais, au pire, on peut se mettre à l’abri en attendant la fin des intempéries. Cela dit, vous je ne sais pas, mais moi si j’avais à faire construire une maison, je n’engagerais pas un architecte dont la première préoccupation consisterait à protéger ma voiture.
Après trois ans, le XV de France n’a toujours pas de fond de jeu, rien d’identifié en tout cas. On remarque même qu’il est bien meilleur sans ballon qu’avec, le comble pour une nation qui a considérablement amélioré l’attaque depuis Jean Dauger jusqu’à Maxime Mermoz, en passant par les frères Boniface, Maso-Trillo, Codorniou-Sella, Blanco-Lafond, Charvet-Bonneval, Castaignère et Jauzion. Sans compter qu’il n’a pas de buteur et pas d’animation offensive. Juste une organisation défensive, ce qui est toujours le plus facile à mettre en place quand on entraîne.
On remarquera qu’il en était de même sous l’ère Marc Liévremont ; ça n’a pas empêché les Tricolores d’aller en finale de la Coupe du monde 2011 et de faire taire Auckland. Je sais, on se rassure comme on peut… Au moins, cette génération (Servat, Nallet, Bonnaire, Harinordoquy, Yachvili, Rougerie) avait de l’orgueil. Elle pouvait se regarder dans le blanc des yeux, se dire ses vérités – et il y en avait plus que quatre cette année-là, en Nouvelle-Zélande – et boire des bières jusqu’au bout de la nuit pour mieux vider son sac.
Aujourd’hui, on a l’impression qu’il n’y a pas de bières, pas de sac, pas de caractère et pas de vérités. Rien que des récitations apprises par cœur. On leur dit de défendre pendant vingt minutes pour éviter d’encaisser trop de points face à l’Irlande attendue déchaînée ?  Ils ont bien compris le plan et évitent consciencieusement de se passer le ballon quand il leur échoit. Puis ils attendent que le big banc se produise pour commencer à jouer.
Les nouvelles stars ? Elles ont pour noms Uini Atonio, Vincent Debaty et Romain Taofifenua. Joueurs de poids, ils sont au XV de France ce qu’un Deus ex-machina est à une pièce de théâtre mal ficelée. Ils pèsent dans le jeu quand tout semble compromis. Ce twist, il faut au moins le mettre au crédit de Philippe Saint-André. En 2007, Bernard Laporte avait Sébastien Chabal et jouait de son effet. PSA, lui, officialise le rugby à XXIII. Ce cache-misère permet à une défaite de devenir encourageante.
Et maintenant qu’apprend-on ? Que le seul demi-système qui fonctionne risque d’être désossé comme on retire les plaques d’acier de la coque d’un navire échoué ? Aligner d’entrée Debaty, Kayser et Atonio, Taofifenua et Parra, Talès et Lamerat ? Casser la fragile dynamique d’une équipe qui doute de tout, y compris de son ombre ? Donner leurs chances aux morts de faim ? Bouleverser l’équilibre titulaires-remplaçants avant de recevoir le Pays de Galles, samedi 28 février, au Stade de France ?
Que PSA, qui assurait mi-janvier avoir son équipe-type et son banc, remette en cause le peu d’assurance dont il dispose depuis trois ans, n’a pas à nous inquiéter outre mesure. Il l’a dit, seule la victoire finale en Coupe du monde est un objectif, le reste consiste à passer du mieux possible entre les gouttes. Le Goret, formé à l’école Berbizier, ne pense qu’à ça : sept semaines de préparation physique. «Entre juillet et septembre, espère-t-il, nous allons pouvoir gagner 20 à 25%. Pendant ce temps-là, nos adversaires, qui passent entre quatre et six mois ensemble chaque année, ne pourront grignoter que 2 à 3%…»
Il dit, surtout : «Si nous voulons être champions du monde, il faudra qu’on place quatre ou cinq joueurs dans un XV mondial.» Sachant que pour le XV de France la saison internationale s’arrête à la fin de ce Tournoi (on ne comptera pas les trois matches amicaux d’aout et de septembre), ça fait quand même un peu court pour voir éclore des talents ou confirmer des potentiels au «très, très haut niveau». Franchement, je ne vois pas. Dulin, Le Roux, Maestri, Atonio ? Il me semble que là, nous ne faisons pas le poids.

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Gammes au vert

En 1992, Philippe Saint-André œuvrait à l’aile du XV de France aux côtés de Jean-Luc Sadourny, Sébastien Viars, Alain Penaud, Philippe Sella et Franck Mesnel. Après une petite victoire à Cardiff (12-9) en ouverture, une défaite bordélique au Parc des Princes face à l’Angleterre (13-31) et un échec à Murrayfield devant l’Ecosse (10-6), l’entraîneur du moment, Pierre Berbizier, avait décrété le retour des fondamentaux.
Nous étions quelques-uns, interloqués, sur le bord de la pelouse du château Ricard, quand Berbize décida de réduire l’entraînement à un vaste atelier de «deux contre un» et de «trois contre deux», prenant lui-même la direction de cette séance surréaliste digne d’une école de rugby. Je n’avais jamais vu les joueurs du XV de France ainsi humiliés, obligés de refaire leurs gammes alors qu’ils s’attendaient à une mise au vert avant de recevoir l’Irlande. Exit les virtuoses, place aux élèves du conservatoire de la passe.
Ah ça, des passes, ils en ont bouffé, les Tricolores du capitaine Sella ! Encore et encore. Pendant deux jours. Jusqu’à l’indigestion. «Redresse ta course !», «Regarde avant de passer !», «Garde les hanches perpendiculaires à la touche !», «Tend les bras !», «Va chercher le ballon !» : Berbizier, irrité d’avoir vu ses joueurs manquer leur premier Tournoi sous ses ordres, lançait inlassablement conseils et critiques. Et personne ne mouftait.
Il faut croire que cette piqure à l’amour propre eut un effet bénéfique sur les arrières tricolores. Deux jours plus tard, ils atomisaient l’Irlande, 44-22, au Parc des Princes, match apothéose, magnifique d’allant et d’élan, à l’issue duquel l’ailier briviste Sébastien Viars lâchait en direction de qui voulez bien l’entendre : «Vous avez le bonjour du French Flair !». Game over. L’humiliation voulue par Berbizier avait eu pour effet de réveiller le meilleur de ses joueurs.
Quand j’ai demandé à Philippe Saint-André, dimanche, au lendemain de ce triste France-Ecosse, s’il comptait fermer la porte de la salle de musculation de Marcoussis et monter à la place un atelier «passes», il a répondu à côté, protégeant ses joueurs, y compris les plus maladroits. Sauf qu’on ne passe pas avec ses biceps mais bien avec les mains : cela s’appelle maîtriser son rugby sur le bout des doigts. A force de trouver des excuses à ses joueurs quand ils foirent un match, Saint-André va finir par s’isoler dans une logique qui ne mène nulle part.
Samedi dernier, Scott Spedding, Wesley Fofana, Mathieu Bastareaud, Yoann Huget, Teddy Thomas, Camille Lopez et Rory Kockott ont été en dessous des minima requis au plus haut niveau. Ballons vomis, passes mal adressées, percussions stériles, oublis coupables, mauvais timing, courses obliques : tout ce qu’il ne faut pas faire, ils l’ont fait. Résultat : zéro essai. Seule l’Italie a fait aussi mal. Le constat heurte : ce XV de France n’a pas avancé dans le registre du jeu depuis trois ans. Pis, il a régressé.
L’excuse de la préparation du Mondial ne marche plus quand on descend aussi bas. Il y a un seuil en dessous duquel le XV de France n’a pas le droit de se situer. Perdre fait partie du jeu ; il n’y a pas de honte à s’incliner après avoir tout donné face à meilleur que soi. Mais gagner aussi moche… Il y a quatre ans, je m’attendais à ce que PSA donne du nerf et de la vie à l’équipe de France, déçu de voir Marc Lièvremont, agressif, partir dans tous les sens. Aujourd’hui, à mon corps défendant, je rejoins le flux des frustrés et déchante. Ce qui inquiète, surtout, c’est que chaque jour, cette équipe perd davantage de supporteurs, même parmi ses plus fervents. Elle sera 1) peut-être, 2) sans doute, 3) sûrement, 4) jamais (merci Christophe) championne du monde, mais en attendant…
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Dans le détail

Le rugby professionnel a franchi un palier ou plutôt, si l’on en croit les Anglais, passé le mur du son. De la méthode globale chère aux disciples de René Deleplace, il plonge maintenant dans la micro-préparation. Tels les personnages d’un roman de Philip K. Dick, Chris Robshaw et ses coéquipiers anticipent leur match de vendredi soir au Millennium Stadium en s’entraînant à pleins décibels.
On peut ainsi imaginer d’autres prolongements dans les jours à venir, et je laisse à votre imagination, ami(e)s – mais ce n’est pas une condition obligatoire – de ce blog le soin de nous concocter les scenarii les plus délirants de séances techniques, tactiques, physiques et psychologiques du XV de France avant d’affronter l’Ecosse. Mon voisin de bureau, Bertrand Lagacherie, m’a rappelé fort à propos l’épisode des lunettes à obturation aléatoire, sous Lièvremont, qui n’eurent comme effet que de procurer des céphalées aux joueurs rendus à moitié-aveugles …
En tout cas, ce n’est pas avec la sono qu’AC/DC a prévu pour le 23 mai au Stade de France que les Tricolores vont préparer au mieux leur ouverture ; leurs supporteurs sont tellement calmes, voire apathiques, dans l’enceinte dionysienne les jours de Tournoi que c’est plutôt en chuchotant qu’ils annonceront leurs combinaisons quand les Anglais devront communiquer par gestes tant l’ambiance qui s’annonce à Cardiff, vendredi soir, sera bruyamment électrique.
Poussant la proprioception à son plus haut degré, les All Blacks avaient choisi, il y a de cela quelques années, de placer leurs huit avants pieds nus sur une plaque de verre munie de capteurs afin de connaître avec exactitude la position des plantes de pied au moment de l’impact puis de la poussée. J’ai le souvenir aussi d’un entraîneur français bandant les yeux de chacun de ses avants afin que tous recherchent avec le plus de liant possible leurs partenaires lors d’un ballon porté et d’un groupé pénétrant.
Les Anglais, qui accueillent le Mondial, n’hésitent pas à tout tenter. Comme par exemple munir leurs joueurs de capteurs de force G (force gravitationnelle) afin de mesurer les chocs encaissés. C’est comme ça, devant un ordinateur lui indiquant que Dany Care avait dépassé la limite au-delà de laquelle il pouvait être en danger, que le responsable biométrie du XV d’Angleterre indiqua à Stuart Lancaster qu’il était peut-être temps de remplacer son numéro neuf titulaire. Et c’est comme ça qu’à la 61eminute, Dickson fit son entrée. L’équipe anglaise perdit le fil de son match et autorisa la France à l’emporter in extremis, 26-24. C’était le 2 février dernier, au Stade de France.
A la fin des années 50, l’Irlande alignait les défaites et son capitaine, le centre Noel Henderson, cherchait une façon de remotiver ses troupes avant la réception du Pays de Galles. Son troisième-ligne, James Kavanagh, proposa d’organiser un footing dans le Wicklow, un dimanche matin. Il était interdit, à l’époque, de se réunir avant la veille d’un match international pour ne pas heurter l’idée que se faisaient du code amateur les gentlemen qui pratiquaient ce sport de voyous. Reste que Henderson accepta la proposition. Les internationaux irlandais se retrouvèrent dès potron-minet dans la lande brumeuse et filèrent à vive allure.
Imaginez les environs de la Bourboule en allant vers le Mont Dore et vous aurez une idée du Wicklow. Au beau milieu de leur footing, les Irlandais eurent à traverser une rivière. Gelée, la rivière. Début mars, il neige parfois autour de Dublin. Et voilà nos gaillards d’Irlandais en slip, portant leurs vêtements au-dessus de leur tête pour ne pas les mouiller, se rhabillant à la hâte et poursuivant leur course. Idem au retour.
Le 15 mars 1958, donc, le Pays de Galles débarquait à Lansdowne Road. Le match ? Enflammé. Les Gallois l’emportèrent 9-6, trois essais à un. Les Irlandais, survoltés, avaient été si maladroits balle en mains qu’ils avaient laissé échapper plusieurs occasions d’essai. A la fin du match, au moment de lui serrer la main, l’ouvreur gallois Cliff Morgan, qui avait eu vent de l’histoire, s’approcha de Kavanagh et lui glissa, malicieux, à l’oreille : «James, je crois bien que vous autres, Irlandais, vous nous battrez le jour où coulera une rivière au milieu de Lansdowne Road…» L’histoire ne dit pas si Kavanagh apprécia à sa juste valeur ce trait d’humour.
D’après ce que m’en a dit un sociétaire de Marcoussis, chaque fois qu’ils ont un moment de libre, les Tricolores se ruent vers la salle de musculation. Vous ne m’empêcherez pas de m’interroger sur l’utilité d’une séance supplémentaire de fonte à quelques jours d’un test international. Ou le joueur est prêt, les biceps saillants, ou bien c’est trop tard pour qu’il prenne du muscle. J’ai le souvenir de Castaignède, Yachvili, Rougerie, Poitrenaud, Garbajosa, Clerc, Merceron, Cafifano, Magne et Galthié allant piquer un ballon une demi-heure avant l’entraînement pour s’amuser «à toucher». C’était en 2003.
A cette époque pas si lointaine, nous nous installions à quelques-uns en tribune pour assister à ce jeu d’adresse, de vista, d’appuis et de réactivité, ponctué de rires. Quand je constate la médiocre qualité des passes en équipe de France ces temps derniers, je me dis que PSA serait bien avisé de fermer la salle de muscu. Ce 23 février 2003, la France l’avait emporté 38-3, au Stade de France face à l’Ecosse, pour sa première réception dans le Tournoi.
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Dix de France

On sait maintenant au moins une chose concernant le XV de France en cette année de Coupe du monde, c’est que PSA doit convoquer trente et un joueurs en stage pour en avoir dix à l’entraînement. Et encore, pas tous prêts à être sollicités. Espérons que cette règle du «un sur trois» ne dépassera pas Canet-en-Roussillon. En rire ou en pleurer ? Coupe d’Europe, Top 14, on voit bien en ce début d’année 2015 du rugby français où sont les intérêts.
Vous vous souvenez sans aucun doute de l’épisode «Pimpolos». Pour attaquer le Tournoi 2007, Bernard Laporte, coach tricolore en fin de deuxième mandat, avait réussi à négocier avec Serge Blanco, patron de la LNR, la mise à disposition de quarante joueurs pendant la durée du Tournoi. Une première, une avancée. Presque un exploit. Enfin, le rugby français se mettait en position de remporter la Coupe du monde, qui plus est celle qu’il organisait.
Ah ça, pour voir, on a vu. Dès la première victoire, à Rome, contre l’Italie, Laporte s’est mis à penser au Grand Chelem et les vingt-deux de la feuille de match sont restés en alerte bleue, générant dix-huit laissés pour compte. Je sais, ça fait «vieux con» d’écrire «à l’époque», et on me reproche assez ici même, mais je dois vous l’avouer et ce n’est pas à ma grand honte, j’apprécie le forum-débat lancé par Midi-Olympique.
Leurs noms ? Floch, Rougerie, Traille, Messina, Castaignède, Boyet, Beauxis, Elissalde, Nyanga, Dusautoir, Vermeulen, Lamboley, Martin, Poux, August, Emmanuelli, Mas, Bruno. De quoi composer une solide équipe bis. Emmanuelli avait baptisé ce groupe, qui multipliait les ateliers comme autant d’animations pour occuper sa journée loin du staff. Pour toucher quand même un peu de ballon, les «Pimpolos» (les glandeurs, en argot de La Vallette) allèrent porter à Biarritz – à défaut de la bonne parole – le maillot des Barbarians français face à l’Argentine à l’initiative de Blanco ; une semaine avant Angleterre-France qui allait faire pencher les Tricolores, mais pas vers un Grand Chelem.
Qu’on soit quarante ou dix à l’entraînement (dont seulement 5 issus de la fameuse liste des « trente protégés » depuis juin dernier, merci Edouard) pour préparer le Tournoi dans l’optique du Mondial, on s’aperçoit donc que rien ne fonctionne. Pas de recette, pas de formule, pas de miracle. Mais quand même, dix à l’entraînement, ça fait nation du Tiers monde. Tiers 3. C’est ainsi que la World Rugby catégorise (comme la troïka avec la Grèce) les désargentés de la mondialisation ovale. L’Italie, dernière entrée dans le Tournoi, qui peine à se construire un Championnat d’élite, parvient à regrouper son élite avec davantage de consistance.
Avant de voir les Tricolores entrer dans le dur à Marcoussis, lundi 2 février, on se serait bien épargné ce signal faible. Les vases communicants placent aujourd’hui certains clubs, Racing Metro, Toulon et Clermont, au sommet de l’Europe quand le X de France traîne sa peine, ses blessures, ses forfaits, ses indisponibilités et ses incohérences (Dumoulin sélectionné alors qu’il est blessé au tendon et n’a pas joué depuis un mois, par exemple, alors que Mermoz éclate de santé chaque week-end) dans le Roussillon.
Tout cela n’est pas très grisant, je vous le concède. Alors suivez mon conseil pour retrouver énergie, allant et envie : foncez d’urgence voir «Les Nouveaux Sauvages». C’est latin, déjanté – j’oserais dire explosif et extrême mais ce n’est pas politiquement correct – jubilatoire et donc essentiel en cette triste période où seul le plan Vigipirate vire écarlate. En sortant de la salle, on se plait à (re)penser qu’il suffit parfois de vouloir pour pouvoir.

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Trait d’esprit

Quand il a annoncé sa liste pour le stage de préparation du Tournoi des Six Nations, Philippe Saint-André n’a pas évoqué le jeu, ni au près, ni au fond. Du coup, on a bien vu que ses Bleus passaient à l’Orange. A savoir que derrière eux, il n’y avait plus beaucoup de place pour franchir le carrefour au milieu duquel se trouve le XV de France : trois ans de mauvais résultats et une année 2015 à double objectif. Juste un exemple : le centre francilien Alexandre Dumoulin, tendon douloureux, a été appelé de préférence à Maxime Mermoz, étincelant avec Toulon. Autres exemples : exit Sébastien Vahaamahina (Clermont) et Xavier Chiocci (Toulon), confirmations de Rémi Talès (Castres) et de Rémi Lamerat (Castres), nouvel appel fait à Sofiane Guitoune (Bordeaux-Bègles)
A travers flux et reflux se dessinent déjà les contours du groupe de trente-et-un qui disputera la Coupe du monde en septembre prochain. Comme les autres entraîneurs nationaux avant lui, Philippe Saint-André a déjà en tête son équipe-type à l’orée de l’année cruciale. Je ne lis pas dans le marc de café ni dans les boules de cristal, mais on peut imaginer, en décryptant les précédentes listes que sa composition d’équipe sera proche de celle-ci : Dulin – Huget, Dumoulin, Fofana, Thomas – (o) Lopez, (m) Tillous-Borde – Le Roux, Chouly, Dusautoir – Maestri, Papé – Mas, Guirado, Menini.
Il lui faut penser à choisir huit remplaçants pour remplir la feuille de match. L’évidence s’impose avec Kayser, Atonio, Ben Arous, Flanquart, Picamoles, Kockott, Talès et Bastareaud. Du moins en ce qui concerne France-Ecosse. Un banc des remplaçants est fait pour marquer l’adversaire et si possible faire la différence. Ceux qu’on appelle les «joueurs d’impact» doivent impérativement déstabiliser la défense adverse en modifiant ses repères, la puissance de Kayser, Atonio, Picamoles, Talès et Bastareaud sur la ligne d’avantage changeant alors la donne en fin de match.
Pour le reste, ou plutôt la suite, c’est-à-dire le choix de huit joueurs afin de compléter les trente-et-un pour le Mondial, PSA a deux priorités : il lui faut des costauds et de bons mecs. Costauds parce qu’ils devront faire plier la mêlée roumaine – son seul point fort – pour s’assurer une victoire attendue ; bons mecs parce qu’ils n’auront que ce match à disputer durant tout le Mondial, et peut-être un bout de la rencontre contre le Canada. Leur rôle consistera principalement à encourager et soutenir les titulaires pendant deux mois. Deux attitudes rarement associées chez un international confiné au rôle de sparring-partner.  Mais c’est pourtant l’une des clés du succès.
Les grandes équipes de France, celles qui sont allées en finale (1987, 1999, 2011) ont un point commun : le mental. Philippe Saint-André, lui, parle d’état d’esprit. Il entend par là une capacité à se sublimer. Il évoque même «l’état de transe» pour expliquer jusqu’où un international doit aller pour honorer sa sélection. «Des bons joueurs, il y en a plein, mais des mecs capables de se sublimer sur le terrain quand l’occasion le demande, il n’y en a pas autant que cela.» Ce sont ceux-là qu’il souhaite emmener au Mondial. Après avoir battu les Fidji et l’Australie, les Tricolores avaient, en novembre dernier, l’occasion de réaliser la passe de trois en l’emportant sur l’Argentine. Las, les Pumas brisèrent ce rêve grâce à une entame pleine de grinta quand les coéquipiers de Thierry Dusautoir, nourris au diesel, furent incapables de relever, pendant les vingt premières minutes, le défi du rythme et de l’engagement physique.
A priori, derrière les titulaires et les remplaçants, il reste huit places pour le Mondial, à choisir parmi les onze postulants que sont Spedding, Nakaitaci, Guitoune, Lamerat (ou Mermoz s’il arrête de se plaindre de son sort), Michalak (qui n’a pas dit son dernier mot en bleu), Ollivon, Ouedraogo mais plus sûrement Nyanga, R. Taofifenua (et pourquoi pas Vahaamahina s’il s’achète enfin une conduite), Szarzewski (parce qu’il faut trois talonneur en Coupe du monde, c’est plus sûr), Ben Arous (mais aussi Domingo en pleine reconquête, voire Chiocci s’il parvient à perdre dix kilos de gras,) et Slimani (avec Debaty le polyvalent en embuscade). Mais cette première liste résistera-t-elle à un Tournoi 2015 qui s’annonce relevé ? La réception de l’Ecosse et du Pays de Galles, mais surtout les déplacements à Dublin, à Rome et à Twickenham, peuvent-ils avoir raison de ce qui ressemble à une profession de foi de Saint-André ? Espérons ne pas avoir à le craindre.

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Même pas peur


I
Il y a des jours, comme ça, voire des semaines, où parler de rugby et de sport en général semble vraiment futile ; on se demande à quoi cela peut bien servir ; et puis il y a des instants qui vous réconcilient avec la foule des stades et les mauvais rebonds de la vie, des moments comme il y en a eu beaucoup avant les coups d’envoi, des fulgurances aussi chargées en symbolique que fut l’avant-match à Toulon. A côté de moi, j’ai vu une collègue pleurer d’émotion devant les joueurs des deux équipes mêlés, entendu le silence de l’hommage, le remarquable discours de Mourad Boudjellal qui fut l’éditeur de Charb et de Tignous, puis la longue salve d’applaudissements à Mayol.
Il faut juste espérer que cela, les quatre millions et quelques de manifestants en France et ailleurs, les solidarités et les expressions, mais aussi les accolades et les étreintes, débouchent sur de vraies avancées. Comment, disait Mourad Boudjellal, des gamins désenchantés peuvent-ils devenir ainsi des barbares, monstres sanguinaires ? Comme le président du RCT, nous devons nous poser cette question, la seule qui vaille en ces temps de crise. Il est de notre responsabilité d’empêcher que le drâme recommence et pas obligatoirement en reportant la faute sur les autres, la société, les élus, les mêmes qui défilaient groupés par bouquets mais réduisent depuis vingt ans le nombre de policiers, d’instituteurs, de professeurs et d’assistants sociaux… Parce qu’on sent bien, tous autant que nous sommes, que ces deux attentats peuvent préluder à d’autres horreurs.
On a vu tous les chefs en ligne de face, dimanche, mais ce qui m’a marqué, aussi et parce qu’il faut bien revenir ici au futile afin de le joindre à l’agréable, ce sont les chefs de la ligne de trois-quarts, ces Besagne Globe Trotters sur scène à Mayol, Leigh Halfpenny, Drew Mitchell, Bryan Habana, Matt Giteau et Maxime Mermoz improvisant sur les thèmes lancés par leur nouveau chef d’orchestre, j’ai nommé Juan Martin «El Mago» Hernandez, qui revient en pleine lumière.
Hernandez l’Argentin, aussi bon à la main qu’au pied, aussi bon à droite qu’à gauche, par devant, par-dessus, au ras et par derrière, est un régal pour les yeux, comme l’était Didier Codorniou avant lui. Mais le retour du magicien, avec ce premier match sur la rade, déclenche forcément une réflexion. Pour Codor, on se demandait pourquoi fallait-il, durant l’ère Fouroux, un poids minimum au centre en équipe de France pour espérer décrocher une sélection. Entre 1981 et 1984, le «Petit Prince» était néanmoins parvenu à s’installer au coeur de l’attaque, associé à Roland Bertranne, Christian Belascain puis Philippe Sella, pour éclairer le jeu tricolore de ses passes millimétrées. 
Hernandez, lui, nous pose un autre problème : en seulement un match et quelques entraînements, il a dirigé le jeu varois comme s’il avait toujours porté le muguet, délivré des passes improbables pour libérer le mouvement alors qu’on nous casse les oreilles en assurant qu’il faut du temps, à l’ouverture, pour s’imposer. Lui, il y est immédiatement parvenu. Autour de lui, bien sûr, des génies, des géants, de purs talents qui n’aiment pas les carcans. Ça aide. Mais il faut croire que c’est réciproque. Hernandez a hissé ses partenaires en distillant, en variant, en imprimant, en déposant.
Au moment où Philippe Saint-André et ses adjoints vont choisir leurs demis d’ouvertures pour le stage de préparation au Tournoi des Six Nations 2015, au moment où le Castrais Rémi Talès, le Clermontois Camille Lopez, le Bordelais Pierre Bernard et le Parisien Jules Plisson tentent beaucoup pour s’installer en bleu avec le numéro dix dans le dos à quelques mois du Mondial, Juan Martin Hernandez, lui, a simplement joué avec naturel et fluidité, souplesse et subtilité.
Ça fait du bien mais ça fait mal. Le talent ne se commande pas. Il se cultive. Il faut le chérir, comme la liberté. Mais les joueurs ne sont pas égaux devant la grâce. Un demi capable de l’ouvrir, voilà ce qu’il nous faut. L’ouvreur est une clé, un donneur de tempo, celui qui inspire tout en nous faisant respirer le jeu. Nous ne l’avons pas encore trouvé malgré toutes nos recherches. Depuis Titou Lamaison et le meilleur de Frédéric Michalak, nous tâtonnons, nous hésitons.
Hernandez, il a pris pour lui le slogan lu place de la République, dans la tribune de Jean-Bouin et ailleurs : «Même pas peur». Pas peur des consignes restrictives (à Toulon, il n’y en avait pas, samedi), pas peur de mal faire, de trop tenter, d’aller dans l’excès, de se faire plaisir ; pas peur de se lancer, d’être une cible facilement identifiable pour la défense adverse. Aucune crainte au moment de jouer les ballons les plus difficiles, de se remettre en question, de revenir dans le Top 14 au sein d’un effectif pléthorique saturé de sélections. Parce qu’il ne faut pas avoir peur, au rugby comme dans la vie, des causes que l’on dit perdues. Ce sont les plus belles
P.S. : merci à toutes et tous pour l’effort qui consiste à faire de ce blog le lieu de tous les échanges, mais seulement à visage découvert.

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Petite semelle

Forcément, considérant l’annonce jeudi 15 janvier du premier groupe bleu en année Coupe du monde, nous regarderons la seizième journée de Championnat avec une focale particulière. Et il ne serait pas étonnant que les différents entraîneurs du Top 14 concernés par ces trente alignent leurs forces vives en appréciant cet événement. Car c’en est un.
On jaugera les états de forme, on jugera des performances, on étalonnera tel ou tel exploit à l’aune du classement. Mais pour tout vous dire, connaissant Philippe Saint-André, il serait étonnant que ses choix, et par ricochet ceux de ses adjoints, Yannick Bru et Patrice Lagisquet, soient influencés par les aléas et l’écume du Top 14, aussi spectaculaires qu’ils soient.
Par rapport à la liste du précédent stage préparatoire (26-29 octobre 2014), le pilier toulonnais Xavier Chiocci, les flankers Virgile Bruni et Yacouba Camara, ainsi que l’arrière-ailier montpelliérain Benjamin Fall pourraient perdre leur statut de l’automne et laisser place à d’autres ; mais rien n’est moins sûr, PSA appréciant de conserver un groupe une fois qu’il en a arrêté la liste.
Reste que ce serait dommage de se priver des belles révélations écloses depuis deux mois dans le Championnat, comme ces inoxydables troisièmes-lignes ailes que sont le Bordelais Louis-Benoît Madaule, et les Rochelais Loann Goujon et Kevin Gourdon. On peut aussi évoquer le tranchant du centre parisien Jonathan Danty, la puissance de l’ailier castrais Rémy Grosso et l’activité du pilier d’Oyonnax Antoine Tichit. Autant de joueurs qui ont su se faire un nom.
Cette liste des trente pour le stage en Roussillon pourrait aussi être l’occasion de lancer l’athlétique deuxième-ligne d’Oyonnax Thibault Lassalle, que les sélectionneurs ont ciblé depuis déjà plusieurs mois, tout en redonnant une chance à ces fusées que sont le centre toulousain Gaël Fickou, le troisième-ligne aile clermontois Alexandre Lapandry et le pilier francilien Eddie Ben Arous.
Poursuivant cette revue d’effectif non-exhaustive, vous n’avez pas été sans remarquer le retour au premier plan des grands absents des dernières sélections, à savoir le pilier gauche de l’ASM, Thomas Domingo, le demi d’ouverture du Stade Français, Jules Plisson, et le troisième-ligne toulousain Louis Picamoles. Ces trois-là (re)montent en puissance au meilleur moment.
Aujourd’hui, c’est déjà demain. 20XV année ovale, année mondiale. D’expérience, le XV de France ne se construit qu’au dernier moment, dans la douleur, dans l’exagération, parfois même dans les crises. On se souvient de 1999 et de l’irruption de Fabien Galthié en phase finale ; de 2011 marqué par la révolte des «enfants gâtés» de Lièvremont. Alors, que nous réserve 2015 en bleu ?
Une bouillie comme en 1991 ? Une énorme frustration à l’image de 2007 ? Une déconvenue pluvieuse comme en 2003 ? Quelque chose d’autre, que nous ne pouvons imaginer aujourd’hui ? En rugby – je l’écrivais la semaine dernière – la réalité nous offre souvent bien mieux que la légende. Mais quand elle nous plonge dans l’ornière, et c’est le cas depuis peu, la boue est vraiment épaisse. On voit avec quelle délectation chacun tombe sur le dos de Galthié, démis de ses fonctions à Montpellier et donc fragilisé, critiques virulentes en voix «off», masquées la plupart du temps car bien entendu c’est le courage qui manque le plus.
C’est bien la plaie de notre début de siècle que l’anonymat derrière lequel n’importe qui peut se cacher pour jeter n’importe quoi ici ou là. Ça me rappelle les coups de pompes sur joueur au sol d’avant l’arbitrage vidéo. Alors comme ça, Galthié ne vaudrait plus rien ? Parce qu’un propriétaire a viré l’artiste de scène après l’avoir recruté, l’écartant avec autant de délicatesse qu’un équarrisseur face au pur-sang à l’abattoir ? Pauvre rugby devenu ferme des animaux, Altrad ouvrant son bestiaire pour nous montrer son coach champion du monde mis en bière dans la chaussure du président du syndicat des joueurs pros.  Ainsi va ce jeu, en manque de héros : à la petite semelle.

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A votre bon voeu

Le Top 14, c’est franchement plus fort qu’un film de John Ford. Il arrive parfois que la réalité soit plus épaisse que la légende et c’est donc la réalité qui nous rattrape avant de basculer vers une nouvelle année, que je vous souhaite heureuse. Il arrive aussi que le bruissement d’un vol d’Air France atterrissant à Rio puisse déclencher un raz-de-marée à Montpellier. A moins que ce ne soit, comme je le soupçonne, une absence de connaissance du règlement. 
En cette fin d’année 2014, il apparaît que l’Hérault est bien fatigué. Le coach Fabien Galthié mis à pied, voilà Jake White qui lave plus blanc prié d’essorer la lessive, lequel linge sale n’est plus lavé en famille. Ce n’est pas à Toulouse que ça arriverait, ça. Sept défaites dont cinq d’affilée ne modifient pas un organigramme du côté d’Ernest-Wallon, et on peut s’en réjouir.  
C’est d’ailleurs un des rares clubs de la première partie du tableau, le Stade Toulousain, qui n’appartient pas à un président-millionnaire-propriétaire, si l’on veut bien considérer que la famille Michelin et M. Serge Kampf sont, malgré tout, au plus près de l’AS Clermont et du FC Grenoble pour des raisons industrielles pour l’un, sentimentales pour l’autre.
Nous voilà arrivés au terme d’une année. Ici, sur ce blog, celle qui s’annonce sera encore plus conviviale. Car si le rugby pro flingue – déjà trois coaches virés – au motif des impératifs sportifs qui, comme l’expression l’indique, n’attendent pas, il nous faut donc, pour faire bonne mesure, redoubler de calme et de recul. C’est vital.
2015 s’ouvre avec un nouveau leader, le Stade Français, et une lutte terrible entre six clubs – davantage, si affinités – qui ne veulent pas descendre. Mais c’est surtout une année de Coupe du monde. Il se trouve que Philippe Saint-André a trouvé une lampe orientale et qu’il s’est mis à la frotter, m’a-t-il dit. Un bon génie en est sorti. Et lui a proposé un vœu, un seul.
Le Goret, dans sa grande générosité et après avoir bien réfléchi, lui a demandé : «Cela fait des siècles que les hommes se battent au Moyen-Orient, tous, les uns contre les autres. Pouvez-vous faire en sorte d’arrêter ça ?». Après une longue pause, le bon génie lui a répondu : «Philippe, je ne suis pas certain de pouvoir parvenir à exaucer votre vœu. En avez-vous un autre ?»
Alors le coach des Tricolores a lancé, cette fois-ci sans hésiter : «J’aimerais que le XV de France devienne champion du monde en 2015…» Le bon génie a alors regardé profondément PSA dans les yeux et, s’approchant de lui, lui a murmuré à l’oreille : «Philippe, je vais voir ce que je peux faire pour le Moyen-Orient… » Bonne année ! Clic.

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