Aller, c’est fini

Que remarquer en cette fin de phase aller ? Le titre symbolique de champion d’automne pour un club, Toulon, qui ne dispute qu’une seule période par rencontre ? La dernière place occupée par le champion de France 2013 incapable de remporter un match en supériorité numérique ? Je préfère évoquer la paire d’Ile-de-France que l’on n’attendait pas en si bonne posture, Stade Français et Racing Metro 92, puisqu’installée dans le Top 6.
Vous aurez noté, aussi, que les ambitieux ont appris l’humilité. Toulouse, grand d’Europe et de France, club phare dans les deux hémisphères depuis trente ans, découvre le cycle vital : ce qui est en haut descend un jour en bas pour peu que rien ne change et que certains s’accrochent violement à leur pouvoir. Montpellier, qui buzz depuis 2003 en affichant plus grand que nature ses prétentions via Deffins et Altrad – lequel baptise même en toute humilité le stade de son nom –, traverse une crise de croissance.
Sur et en dehors du terrain, Toulouse et Montpellier laissent la place à Grenoble et à Bordeaux, deux métropoles qui se sont remises en route, deux clubs qui pratiquent un jeu enthousiaste avec plus ou moins de réussite et vont modifier durablement la hiérarchie ovale en entrant dans la crème de l’élite, à savoir ce «club des six» qui coiffe le Top 14 et s’ouvre à l’Europe.  
On pourrait parler aussi du recrutement «stars war» du Racing Metro et de Toulon, surenchère sur le marché des transferts, à toi à moi pour draguer les All Blacks en fin de carrière. Le tarif est élevé mais chacun participe pourtant à cette course à l’armement via les filières sudistes (Afrique du sud, Nouvelle-Zélande, Australie, Fidji). Il n’y aura très bientôt que des places très réduites pour les pousses françaises dans le jardin Bosman-Cotonou.
Constatons, en alignant les noms – anciens et nouveaux – des joueurs qui se sont illustrés depuis la mi-août que le talent n’a pas d’âge : Imanol Harinordoquy, Matt Giteau, Arnaud Méla, Aurélien Rougerie et George Smith furent au-dessus du lot. Confirmation équilibrée par l’apparition au plus haut niveau d’Ollivon, McLeod, Ratini, Masilevu, Danty, Alofa, Bernard, Vuidavuwalu et celle, très récente mais explosive, de Zhvania
On ajoutera à cette liste Spedding, Slimani, Atonio, Jenneker et Wisniewski qui confirment sur la distance le bien qu’on pensait d’eux. Ce qui nous donne une équipe type de la phase aller particulièrement mondialisée : Spedding – Ratini, Rougerie, Danty, Masilevu – (o) Giteau, (m) McLeod – Harinordoquy, Ollivon, G. Smith – Méla, Marais – Atonio, Jenneker, Zhvania. On notera que l’intérêt du Top 14 n’est pas à l’avantage du XV de France mais ça, on le sait depuis 1998 et l’avènement près de chez nous du rugby pro. 
Dernier point, vous l’avez suggéré et je le reprends de volée, mon souhait qui est aussi le vôtre de permettre à ce blog de garder hauteur de point de vue, mise à distance, humour, humeur, recul et profondeur de ton en demandant à chacun et chacune de ne pas rester anonyme, tel un twitteur «Corbeau 2.0», et de se présenter, au mieux via l’adresse mail, tel qu’il est. Et de ne pas répondre aux provocations épistolaires… C’est notre résolution «retour». D’ici là, Joyeux Noël.

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Vingt ans après

C’est bon d’avoir vingt ans. Le bel âge. En 1994, Montpellier traçait son chemin vers l’élite de façon très «british», en préservant ce qu’il était possible de définir comme un style de vie. Aujourd’hui, après une poignée de défaites, six pour être exact, série en cours depuis la blessure de son ouvreur international François Trinh-Duc, le club héraultais alimente la chronique d’une crise qui dure. Dur, dur…
Aujourd’hui, on parle «d’étranger» pour nuancer (?) la nationalité hors souche d’une recrue. Il y a vingt ans, on évoquait avec poésie un pack esperanto. A l’heure de la troisième mi-temps dans le club-house qui faisait face au stade Sabathé, «Ici, c’est l’Europe !», riait le pilier Jean-Jacques Sauveterre en se tournant vers ses coéquipiers, Boudaoui, pilier fils de harki, Ivoski le Russe, Chenery l’Anglais, Mandic le Croate…
Il y a vingt ans, Montpellier, qui passait du Groupe B au Groupe A, ne comptait pas sur des stars pour exister. Les joueurs un peu connus du grand public, et encore, s’appelaient Cances, Sauveterre et Grosperrin. Autour d’André Quilis, docteur es-rugby (le premier en France), un trio de jeunes éducateurs – Pascal Mancuso, Jean Cazaute et Jeff Escande – venait de prendre le relais.
L’élite ! Montpellier en rêvait déjà en 1994. En être ou pas, telle était sa question… Le président de l’époque, Daniel Donadio, y répondait en ces termes : «Ce n’est pas chez nous qu’il faut venir chercher les grosses primes de match.» Montpellier, métropole du sud, misait sur sa surface économique : «La grande ville, c’est la passion, la formation et la réflexion. Si nous sommes qualifiés dans le Top 16, ça voudra dire que nous avons donné une réponse constructive aux questions posées par l’évolution de cette discipline.»
L’année suivante, le rugby devenait professionnel. L’Europe des frères du pack dont parlait Sauveterre est aujourd’hui une autre réalité que celle qu’il imaginait il y a vingt ans. C’est une Coupe. Et cette compétition propose vendredi le déplacement de Montpellier à Bath, suivi de la réception de Toulouse, le 20 décembre, à l’Altrad Stadium, en Top 14. Voilà Montpellier là où il rêvait d’être. Mais à quel prix ? Qu’a vendu ce club pour y parvenir ? Que va-t-il perdre en continuant de s’incliner ?
Autant de questions qui font écho aux insultes prononcées à Welford Road en conférence de presse, l’autre dimanche, par un joueur à l’encontre de son ancien club (L’Italien de Toulon Castrogiovanni, à Leicester). Y aurait-il donc quelque chose de pourri au royaume d’Ovalie ? Ce n’est pas obligatoirement nouveau. Il y a vingt ans, presque jour pour jour, Jacques Fouroux démissionnait de la FFR pour franchir le Rubicon (France Rugby League, puis PSG XIII), expérience treiziste de très courte durée, après avoir insulté Didier Codorniou lors de la Coupe du monde 1987 – c’était du quinze – et là aussi en conférence de presse.
En fait, à travers ce texte, et pour avoir regardé de loin l’actualité ovale pendant deux semaines, si ce n’est dans ses grandes lignes (la plupart du temps des lignes de résultats secs) je m’interroge. Que sera le rugby dans vingt ans si l’on considère la vitesse à laquelle il : 1) évolue, 2) bouge, 3) avance, 4) se transforme, 5) mute… ? – 6) se fourvoie ; 7) dégénère ; 8) se décompose…, ajoute Lionel, internaute.
Pour finir sur une bonne note, le salon du livre de La Rochelle, le week-end dernier, m’a permis de mettre un visage sur un habitué de ce blog, Bernard «Landais», lequel est aussi un grand lecteur «classique», c’est-à-dire papier et ouvrages brochés, doublé d’un homme affable et souriant, ce qui pouvait s’envisager à la lecture des commentaires qu’il postait ici. Tout ça pour dire que je sens poindre chez d’autres – pas tous, heureusement – la maladie du supporteur, c’est-à-dire l’aveuglement. A ceux-là je conseille la lecture de José Saramago. Ou bien, vers d’autre sites mieux adaptés, le départ volontaire.

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Coeur de cible

Je ne sais pas ce que fait le staff tricolore pendant ses heures creuses mais Daniel Hourcade, le coach argentin, s’est rendu en Australie en avril dernier, à Sydney plus précisément, assister aux entraînements de Michael Cheika, alors patron de la franchise australienne des Waratahs et pas encore entraîneur des Wallabies. Il ne s’était pas trompé de destination. Les Pumas savent cibler. Au sortir du Four Nations, ils ne pensaient qu’au 22 novembre, se désintéressant de leurs voyages en Ecosse et en Italie. Ils ciblent même plus haut, plus loin : Juan Imhoff, l’un des meilleurs Argentins, précise que pour la première fois, les Pumas disputeront la Coupe du monde 2015 avec l’intention de la gagner, pas seulement de bien y figurer. Ça promet, dans onze mois, quand il s’agira de les affronter en quart de finale.
L’Argentine ne dispose pas de gros revenus, hors ceux qu’elle récupère via la SANZAR, l’organisme qui gère le Four Nations. En 2016, elle disputera le Super Rugby et obtiendra davantage de subsides. Elle aura surtout composé un squad de quarante joueurs qui disputera les deux compétitions phares de l’hémisphère sud. L’Argentine entrera alors dans la cour des très grands et ne tardera pas à devenir l’égal de l’Australie. Les stars argentines n’apparaitront plus en Premiership et en Top 14 ; ou alors en fin de carrière, pour garnir leurs comptes en banque.
Depuis 2008, en lançant une sélection Espoirs – les Pampas – dans le championnat sud-africain, compétition remportée par ces Argentins en 2011, puis en relançant les Jaguars (véritable équipe nationale bis) dans les tournois nationaux sud-américains, la fédération argentine développe sa filière. Daniel Hourcade, le coach des Pumas, en est la plus belle expression : il a coaché toutes les équipes nationales, les unes après les autres. Imhoff, lui aussi produit national raffiné, confirme : «Ce processus nous permet de progresser dans le jeu. » Au point de donner une leçon de conservation, de réalisme et d’allant au XV de France, samedi dernier, au moins pendant les trente premières minutes.
Quand Philippe Saint-André et son staff sont fiers, heureux et ravis de lancer une dizaine de nouveaux visages (dont Chiocci, Ollivon, Camara, Kockott, Bernard, Dumoulin, Thomas) dans le groupe France à l’occasion des tests de novembre, les Argentins font confiance, eux, depuis deux saisons, à une nouvelle génération de gamins passés par les moins de vingt ans, les Pampas et les Jaguars, certains déjà durcis par le Four Nations. Rappelez-vous de leurs noms : Lucas Noguera (pilier), Santiago Iglesias Valdez (talonneur), Tomas Lavanini (deuxième-ligne), Guido Petti (deuxième-ligne), Lucas Ponce (deuxième-ligne), Facundo Isa (troisième-ligne), Tomas Lezana (troisième-ligne), Javier Desio (troisième-ligne), Santiago Gonzalez-Iglesias (demi d’ouverture), Jeronimo de la Fuente (trois-quarts centre), Matias Moroni (trois-quarts centre) et Santiago Cordero (ailier). Sans oublier l’arrière Joaquin Tuculet, qui d’ailleurs cherche un club pour passer l’hiver… Ceux-là, vous risquez d’en entendre reparler d’ici le mois d’octobre 2015.
Pour ma part, je quitte un temps le bureau mais garderai un œil sur ce Côté Ouvert avant de voguer la semaine prochaine vers l’Atlantique. Ceux qui le souhaitent me retrouveront au Salon du Livre de La Rochelle, du vendredi 5 au dimanche 7 décembre. Il y sera question, en ciblant le Tournoi 2015, d’un ouvrage intitulé «France-Angleterre, cent ans de guerre ovale» aux éditions Glénat écrit, entre autres auteurs (Nemer Habib, Sophie Surrullo), avec un internaute, Antoine Aymond, habitué de ce blog. Comme quoi tous les chemins empruntés sur le web mènent finalement à la reliure.

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Et de trois ?

Avec deux victoires d’affilée, face aux Fidjiens et aux Australiens, il ne faudrait pas s’imaginer que le XV de France a réinventé le rugby, ou à défaut qu’il l’a considérablement amélioré. Reste que cette équipe n’était pas pour autant la plus mauvaise de l’histoire parce qu’elle avait pris deux déculottées, en Nouvelle-Zélande (juin 2013) et en Australie (juin 2014).
Hors des scores il s’agit de s’intéresser aux contenus pour constater qu’il reste encore à cette équipe de France pas mal de chemin à parcourir pour atteindre le haut niveau international et que deux succès n’offrent pas autant de points d’appuis qu’on pourrait l’imaginer. A ce titre, les deux défaites concédées par les Anglais à Twickenham, face à la Nouvelle-Zélande et à l’Afrique du sud, portent certainement autant d’espoir que celles qui plombèrent le bilan tricolore.
Comme les Anglais, les Tricolores se sont inclinés par deux fois en novembre 2013 et d’une courte marge face aux All Blacks et au Springboks. Mais de ce côté-ci de la Manche, les observateurs s’étaient mis à évoquer «la série noire» et «la fatalité», PSA y allant de son «vestiaire triste» au lieu d’y puiser un peu d’optimisme.
Samedi soir, je vous en donne mon prochain billet, la France ira arracher son troisième succès d’affilée à la force de son pack, en martyrisant les avants argentins sur leurs points forts, à savoir dans les rucks féroces, les ballons portés et les pick-and-go têtes baissées ; et le banc des remplaçants bleus apportera, comme face aux Fidjiens et aux Australiens, un supplément de puissance.
Symbole de ce renouveau, le sourire est sur le visage de Teddy Thomas, nouvelle tête de gondole tricolore ; le néo-Francilien a tout de la star incontournable qui lancera la prochaine Coupe du monde. Et c’est une chance pour le XV de France que d’aligner un joueur issu de la filière bleue, auprès duquel les jeunes générations pourront s’identifier jusqu’en octobre prochain.
Il faut dire qu’après Thomas Castaignède en 1999, Frédéric Michalak en 2003 et Sébastien Chabal en 2007, le XV de France n’avait pas hissé grand monde en haut de l’affiche. C’est désormais chose faite avec le jeune ailier dreadlocké du Racing-Métro, quatre essais en deux matches…
On imagine bien Serge Blanco savourer ces deux succès. On lui doit l’apport de joueurs qui n’étaient pas dans la liste des trente conventionné, l’engouement retrouvé autour de ce XV de France, la malice au coin de l’œil de Philippe Saint-André qu’on a revu comme on l’a toujours connu, goguenard, décontracté, souriant, disert.
Restons lucides, samedi soir, la France pouvait tout aussi bien perdre à la dernière minute face aux Wallabies. Pis, en deuxième période, considérant la fréquence avec laquelle il infligeait des pénalités aux Français dès qu’ils s’approchaient de l’en-but aussie, tout laissait croire que M. Owens sifflerait une faute sous les poteaux au plus fort de la domination australienne, nous laissant méditer sur un match nul du plus mauvais effet.
Sur les contenus bleus, qu’est-ce que cela aurait changé ? Au Stade de France, chacun a retenu son souffle et j’imagine que vous aussi, sur votre siège. Je me voyais mal expliquer l’inexplicable, ratiociner avec des statistiques pour trouver de quoi espérer dans l’échec, écouter les excuses des joueurs pour n’avoir pas su tenir le score, les regrets du staff évoquant la faute à pas de chance, sans parler de cette victoire pour laquelle il y avait de la place…
Heureusement pour ce XV de France qu’on attend légèrement modifié dans sa composition, l’Argentine ne se présente pas samedi soir avec l’éclat dont elle a fait preuve dans le Four Nations. Cela dit, il vaut mieux la prendre au rugby plutôt qu’au football, même si les coéquipiers de Thierry Dusautoir s’y préparent (cf photo)… Depuis 2003, les Pumas ont toujours été des adversaires pénibles et rugueux ; D’autant plus qu’ils se sont visiblement préservés en vue  de Saint-Denis. Qui sera aussi un test pour Saint-André.

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Horizon(s)

Il arrive parfois que les centres d’intérêt s’entrechoquent, que les informations se télescopent. Et c’est comme si les pôles, nord et sud, entraient en contact. Au nord, le CNR et l’équipe de France ; au sud le Top 14 son club phare et la promesse d’une irruption, l’annonce du réveil d’un volcan qu’on croyait éteint.
Samedi dernier, le choc des buzz fut vraiment tellurique. D’un côté l’annonce très médiatisée de la venue – 1) probable, 2) possible, 3) assurée, 4) confirmée, 5) éventuelle, 6) envisageable (cochez la case qui vous convient) – de Ma’a Nonu à Toulon la saison prochaine ; de l’autre la révélation face aux Fidji des pousses bleues, le jeune Teddy Thomas et le moins jeune Alexandre Dumoulin.
Tout le rugby français, ses limites, ses dilemmes, ses contradictions, ses impératifs économiques mais aussi sa force, son histoire, ses ressources et sa réussite s’est retrouvé compacté dans ce double événement : la signature (qui n’est pas encore actée) d’une star néo-zélandaise en fin de carrière pour rejoindre le Top 14 et l’avènement de purs produits bio cultivés dans la maison Marcoussis.
Sortir l’information, à savoir la présenter, ne suffit plus aujourd’hui : il faut l’enrober, ménager l’effet, quitte à prendre un peu d’avance sur la réalité. Car sans le buzz médiatique point de salut. En ce qui concerne Ma’a Nonu, le moins qu’on puisse dire c’est que l’effet obtenu est particulièrement réussi. Pour un joueur qui n’a pas encore mis les pieds sur la rade, c’est comme s’il allait jouer dimanche à Mayol.
En revanche, concernant le cas d’Alexandre Dumoulin et de Teddy Thomas, pour savoir qu’ils étaient issus de la filière bleue, promotion Albert Ferrasse pour le premier et René Deleplace pour le second, il a fallu attendre et chercher un peu. Pourtant, à l’heure où le débat sur la sélection des étrangers (Atonio, Kockott, Spedding) secoue les réseaux sociaux, il aurait été judicieux, du côté de Marcoussis, d’envoyer ne serait-ce qu’un tout petit tweet dès la fin du match.
Vous apprécierez l’œcuménisme dont fait preuve la FFR au moment de nommer les promotions. Ferrasse et Deleplace, là aussi deux pôles antagonistes. Don Corleone avait fait d’Agen le Little Italy d’Ovalie quand la tête dans les étoiles, l’inconnu du Nord inventait le rugby de mouvement. L’un radical de souche l’autre communiste par conviction. Qui finirent par se retrouver Cité d’Antin à l’initiative de Pierre Villepreux à la fin des années 90.
Yacouba Camara et Baptiste Serin se retrouveront sans doute en Bleu coq à l’horizon 2019 pour intégrer le XV de France, promotion Benoît Dauga, soit 2012/2013. Avant le Mondial enrichi prévu au Japon, le talonneur Romain Ruffenach (Biarritz), les ouvreurs Vincent Mallet (Stade Français) et François Bouvier (Toulouse), le centre Etienne Dussartre (Racing-Métro) et les troisièmes-lignes François Cros (Toulouse) et Tanguy Molcard (Biarritz) ne seront sans doute pas, eux eux, très loin du compte.
Entre-temps, les clubs – enfin pas tous, quand même – d’un Top 14 diffusé conjointement par BeIN Sports, Canal Plus et Eurosport, jonglant avec leur salary cap de dix millions d’euros, auront tout fait pour récupérer Daniel Carter, Richie McCaw, Tony Woodcock et Ben Smith, Jean De Villiers, Schalk Burger et Tendai Mtawarira, Charlie Faumuina et Conrad Smith, Quade Cooper et Will Genia, sans oublier de se lamenter au sujet du tarif trop élevé des deux Israël : Dagg et Folau.

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Du doigté

La vie est tout sauf un long fleuve tranquille : samedi c’est Fidji. Un premier test de novembre qui aurait la saveur d’une entrée exotique et légère ? Pas si sûr. En remontant jusqu’à fin février, et au vu des derniers résultats – affligeants – du XV de France (quatre défaites d’affilée contre l’Irlande et l’Australie (3), un succès riquiqui en Ecosse et une claque à Cardiff), il n’y a vraiment pas de quoi verser dans l’optimisme.
Sans aller jusque-là, il fut un temps, pas si lointain, où les Fidjiens en visite à Saint-Etienne encaissaient douze essais et réglaient l’addition : soixante-dix-sept points. En novembre 2001, le XV de France alignait Dominici, Galthié, Magne, Betsen et Ibanez au coup d’envoi, De Villiers et Marsh aussi – un sudaf et un kiwi – sans que cela fasse débat comme aujourd’hui ; Rougerie, Michalak, Chabal et un certain Yannick Bru avaient pris place sur le banc.
En 2003, à Brisbane, ils en avaient pris soixante et un. Et trente-quatre à la Beaujoire, en 2010. L’empan se réduit, certes, mais au point que le XV de France se mette à craindre les Fidjiens. Cela dit, en 1987, à l’occasion du quart de finale de la première Coupe du monde, les Tricolores du capitaine Dubroca avaient été aveuglés par la confiance qu’ils avaient dans leur phalange de fer (Ondarts, Garuet, Lorieux, Haget, Rodriguez, Champ, etc…). Et sans une maladresse du désormais fameux Koroduadua laissant échapper le ballon d’essai qu’il tenait négligemment d’une main, le succès, 31-16, aurait été moins évident. Ce jour-là, Patrice Lagisquet avait pris quelques vents sur son aile et un certain Serge Blanco, désormais patron du comité de suivi du XV de France, se tenait à l’arrière.
Pour préparer la saison qui s’ouvre, Bru, Lagisquet, Saint-André et Blanco, de loin, certes, mais présent quand même, ont modifié l’approche stratégique avec doigté. «On a travaillé sur des lancements de jeu un peu plus fermés que d’habitude,» précise Patrice Lagisquet. Pour le coach des lignes arrière du XV de France, fermer les lancements de jeu consiste à «limiter les options, installer des repères simples et préétablis.»
On l’a bien saisi, le XV de France est en manque de confiance. On le serait à moins. Pour retrouver de l’élan et de l’allant, le staff a réduit le champ d’intervention. «La participation des quinze joueurs est orchestrée sur un, deux, trois voire quatre temps de jeu, qu’on appelle aussi des phases,» note Lagisquet. Celles qui seront proposées aux Fidjiens ne comprendront que très «peu de variations.»
Faut-il voir dans cette réduction orchestrée une simplification ? Annonce-t-elle un jeu en peau de chagrin, déjà qu’il n’était pas bien épais ? D’après Lagisquet, au contraire, plus les lancements seront courts et limités, plus ils seront intenses. Et c’est justement cette intensité dans l’action qui fait défaut au XV de France. «C’est ce qui nous a la plus déçu en Australie, surtout lors du troisième test,» ajoute l’ancien ailier international. Du coup, les joueurs eux-mêmes, qui se sont sentis englués dans une partition trop épaisse, trop riche, trop dense, ont souhaité dégraisser le cahier des charges. «Il y a eu une volonté de leur part de ne pas dépasser trois temps de jeu sur les lancements, avec des situations assez fermées au départ,» confirme Lagisquet.
Dès le début de son mandat, le staff tricolore a eu l’ambition de proposer un jeu complexe dans lequel l’analyse des situations en temps réel détermine les options, les mouvements, les enchaînements ; dimension stratégique que les joueurs n’ont pas pu ou su maîtriser. Aujourd’hui, tout ce petit monde revient à des constructions plus assimilables, plus facilement mémorisables.
Où suis-je utilisé ? A partir de quand ? Deux questions auxquelles les Tricolores doivent répondre, samedi, d’entrée de match face aux Fidji, sous peine de tomber dans l’approximation, leur péché. «On n’a pas de soucis sur les repères de circulation des joueurs, lâche Patrice Lagisquet, mais davantage sur les lancements de jeu.» Un jeu plus direct est à prévoir ce mois-ci. En espérant, pour reprendre Lagisquet, «que les joueurs puissent disputer ces phases de jeu avec davantage d’engagement physique, davantage de conviction.» Sera-ce suffisant pour garder la main ?

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Sauce kiwi

Ça ne vous a pas échappé, plus on a de choix moins on s’intéresse. Nous commencions à prendre goût à cette Coupe d’Europe newlook et revoilà le Top 14, au moment même où le XV de France relance ses rendez-vous de préparation par la case Orly. Le voilà l’instant honni où le rugby français mélange ses genres, truffe son agenda de dates et de doublons, mange à tous les plats, et nous gave un peu, il faut l’avouer.
On sentait pousser Bordeaux-Bègles, Grenoble et le Stade Français vers le haut du tableau, ce qui constituait à nos yeux assez d’intérêt pour suivre le Championnat, et puis tout s’est arrêté, comme ça, d’un coup, à la neuvième journée, remplacé par l’infâme brouet du Challenge Cup dont tout le monde de fiche éperdument depuis que cette «petite» coupe d’Europe ne qualifie pas pour la grande.
Alors on a enfourché la CC (pour Champions Cup). CC, c’est quand même bien moche pour une abréviation. C’est vrai, quoi, avouez que ça a moins de gueule que «H-Cup», sauf pour ceux qui aiment, comme moi, Johnny Rivers. Bref, nous sommes passés en Europe pour assister à la déconfiture de Montpellier et de Castres. Chute surprenante pour l’un, habituelle pour l’autre. Jusque là, rien de formidable.
 
Ce qui n’a pas changé, en revanche, et qui est agréable à suivre, c’est la montée en puissance de Toulouse. Après avoir épinglé Toulon et Paris en Top 14, les coéquipiers de Thierry Dusautoir se sont payés Montpellier et Bath. Quatre victoires d’affilée, du jamais vu cette saison. Avec des passes, du jeu debout, des contres mortels, une conquête retrouvée.
 
Et c’est encore Toulouse qui sera à la pointe de l’épée, face à Lyon, en ré-ouverture du Top 14, ce samedi. Toulouse et son Harinordoquy en folie, meilleur joueur toutes compétitions confondues. On pourrait même y ajouter la tournée d’automne du XV de France si PSA avait eu la bonne idée d’élargir aux trentenaires son idée, pas si mauvaise après tout, de sélectionner les hommes en forme…
 
C’est vrai qu’on regardera tout en même temps : le premier bilan européen, la réinitialisation du Top 14 et le lancement de la saison internationale. En ce début de saison, on constate qu’ils ne sont pas mauvais les anciens, Imanol Harinordoquy, c’est noté, mais encore Aurélien Rougerie, Luc Ducalcon, Julien Bonnaire, Lionel Nallet et Vincent Clerc…
 
Les All Blacks, toujours cités en exemple dès lors qu’il s’agit du jeu, ont une règle que suivent scrupuleusement les sélectionneurs (même s’il y a quelques exceptions, la dernière en date ce samedi 1er novembre à Chicago, favec douze changements avant d’affronter les Etats-Unis, sur L’Equipe 21 en direct, à 21h) : en dehors des blessures, on ne change le titulaire que lorsque son remplaçant, son successeur ou sa doublure est devenu – vraiment – meilleur que lui.
 
Alors je vous pose la question, ami(e)s de Côté Ouvert : après avoir vu des pousses et des espoirs démontrer qu’ils n’avaient pas assez de moelle, à quoi ressemblerait le XV de France, aujourd’hui, si le staff tricolore, fort du souci d’aligner les hommes en forme, suivait le précepte kiwi avant d’affronter les Fidji, à Marseille… A ça ? Médard – Clerc, Rougerie, Fofana, Huget – (o) Beauxis, (m) Machenaud – Bonnaire, Picamoles, Dusautoir – Nallet, Papé – Mas, Kayser, Poux ?
 A lundi, en direct d’Orly.

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Adopte un joueur

François Trinh-Duc, Morgan Parra et Sofiane Guitoune sur le flanc, il est temps, ami(e)s de ce blog, d’aider le staff tricolore à composer sa liste des trente pour le premier test de novembre, celui du 8, au stade vélodrome de Marseille. Pour affronter les Fidjiens, je vous propose de laisser les «conventionnés» au repos. Ils jouent trop, leurs entraîneurs râlent et en plus ils se blessent, cf Wesley Fofana, au moment d’effectuer des tours de terrain.
Osons relancer ceux qui ont faim. Faim de ballon, de reconnaissance, de sélection. Ceux qui seraient prêts à sacrifier presque tout ce qu’ils ont de plus cher pour (re)disputer un test-match avec le maillot du XV de France sur le dos, quel que soit le numéro porté, d’ailleurs. Relançons les oubliés, sortons des tablettes ceux qui sont tombés aux oubliettes.
Car enfin quoi, on leur offre royalement une sélection, voire deux dans un grand élan de générosité, et ensuite ils retournent dans l’oubli, rejoignent l’endroit d’où ils étaient partis, d’où ils avaient cru s’élancer vers des sommets rêvés. Cette sélection, ou deux, pèse d’un poids terrible dans leur curriculum vitae. Elle vaut qu’on se donne pour elle, mais ne vaut pas grand-chose en définitive.
Ils sont là, en rang serré, alignés sur le site fédéral, comme des soldats sacrifiés. Le Top 14 en regorge que ça fait mal au cœur. J’en ai compté trente-trois, sur leur croix qui attendent que les sélectionneurs veuillent bien se souvenir d’eux. Ils seraient prêts à mourir pour la cause, j’en suis certain, si on leur en (re)donnait la possibilité. Juste une fois de plus, une seule, pour montrer qu’ils valent mieux qu’un éclat éphémère.
Ils ? Le Bourhis (26 ans, 1sélection), qui brille au centre de l’UBB. Avec lui Thibault Lacroix (29, 2), David (26,4), Mazars (30, 2), Boussès (32,1) ou Mignardi (27, 2). A l’arrière, Porical (29, 4), Peyras (30,1), Floch (31,3), Thiery (30,4) ou Palisson (27, 21). Aux ailes, Arias (30,2), Planté (29,2), Coux (33,2) ou Malzieu (31,20).
A la charnière ? Beauxis (28 ans, 20 sélections) à l’ouverture, Tomas (29, 3) à la mêlée. Deux délaissés désormais à maturité. En troisième-ligne ? A choisir parmi Lakafia (25,3), Puricelli (33, 4), Caballero (31,1), Martin (35, 23), et Diarra (31, 1). En deuxième-ligne ? Millo-Chluski (31,18), Jacquet (29, 4), Mela (34,4) et Samson (30, 5) sont là. Vous pouvez compter sur eux, messieurs du comité de suivi, en cas de besoin.
Ils ne sont pas dans les trente «conventionnés», ni dans les trente «supplémentaires», mais si la première ligne venait à s’absenter, Kotze (27,1), Watremez (25, 1), Noirot (33,1), Mach (28,3), Correia (30, 1), Boyoud (34,3), Barcella (30, 20), Brugnaut (32,2) et Attoub (33,4) répondraient présent, à n’en pas douter. C’est dire la richesse du rugby français.
C’est la liste des «oubliés», la troisième liste, tellement bien cachée que personne ne sait plus où elle est passée. Cette liste, touchante, se lit avec les tripes. Pour certains, elle fait mal car les cicatrices ne sont pas toutes refermées. D’autres ont l’impression d’avoir été sacrifiés trop jeunes, ou d’avoir été testés trop vieux. S’il y avait la possibilité de composer un XV de France du rachat quand les titulaires du dernier Tournoi et ceux de la tournée catastrophe de juin en Australie ont failli, je vous promets que je donnerai cher pour.
Palisson (Toulouse) – Planté (Racing-Métro), Le Bourhis (Bordeaux), David (Toulouse), Arias (Stade Français) – (o) Beauxis (Bordeaux), (m) Tomas (Stade Français) – Diarra (Castres), Lakafia (Stade Français), Puricelli (Lyon) – Mela (Brive), Jacquet (Clermont) – Attoub (Montpellier), Mach (Castres), Brugnaut (Racing-Métro). Avec cette équipe-là, on pourrait relancer les Probables-Possibles des années Ferrasse, quand le XV de France des assurés se coltinait une sélection d’enragés qui cherchaient à se faire remarquer.
C’est ainsi qu’en 1968, à Grenoble, les Tricolores de Christian Carrère en route vers un Grand Chelem s’étaient fait dépecés par des Alpins coriaces, les frères Camberabero (La Voulte), Greffe (Grenoble), Noble (La Voulte) et Yachvili (Tulle) gagnant leur place pour Colombes puis Cardiff, Lacaze (Angoulême), Bonal (Toulouse), Plantefol (Agen) et Lasserre (Ange) profitant de la défaite du XV de France dans ce match de gala en marge des Jeux Olympiques pour embarquer eux aussi dans le train bleu.
On peut toujours rêver et l’heure n’est pas au match supplémentaire. Mais un petit tournoi triangulaire à Marcoussis entre conventionnés, supplémentaires et oubliés ne serait pas piqué des hannetons. On ne garderait alors que les valides pour affronter, le ballon entre les dents, Fidjiens, Argentins et Australiens. A une certaine époque, les Néo-Zélandais raffolaient de ces rencontres. Elles étaient télévisées, attiraient tout ce que le pays comptait de connaisseurs, c’est-à-dire les trois millions d’habitants. C’est d’ailleurs à l’issue de l’une d’elle qu’un jeune monstre culbuta la gloire des All Blacks, John Kirwan, et gagnant sa place dans le squad. C’était en 1994. Il s’appelait Jonah Lomu.
[Pour cause de vacance(s), le prochain blog sera disponible vendredi 31 octobre]

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Je vote Giteau

Tous les hommes sont égaux mais il y a des joueurs qui sont plus égaux que d’autres. C’est le cas de Matt Giteau. Présentez-moi tous les ouvreurs du Championnat, pas un ne possède ce qui constitue l’Australien, à savoir le génie. Talent, dons et qualités se partagent plutôt bien entre Bernard, Trinh-Duc, Flood, James, Plisson, Goosen, Lopez, Talès, Sexton, Wisniewski, Stewart, Urdapilleta et McAlister, liste non-exhaustive, mais le dix du RCT évolue dans une autre sphère.
Gamin, le dimanche matin, je me faisais l’effet d’un cancre sur le terrain. L’après-midi, une fois installé dans la tribune de Marcel-Deflandre, tout m’apparaissait limpide. Villepreux, Guy Camberabero, Trillo, Cantoni, Aguirre, Astre, Gourdon, Gallion : j’ai eu le privilège, à La Rochelle, d’admirer de visu un certain nombre de grands joueurs. Mais personne comme Jo Maso. A l’instar de Giteau, Maso était protée, capable d’évoluer derrière à tous les postes, y compris ailier. Ce jour d’octobre 1973 – j’avais tout juste quatorze ans – face au Stade Rochelais, dans le soleil finissant, je me souviens des ballons qu’il toucha et surtout comme il fit jouer autour de lui. Sans jamais donner l’impression de forcer ; si ce n’est la défense.
Vendredi soir, à Oyonnax, j’ai retrouvé cette grâce quand Matt Giteau est apparu. Une passe au pied : essai ; un renversement, une passe retenue puis tendue : essai ! Au bout, la victoire de Toulon. Oyonnax pouvait lutter, suer, s’arc-bouter, rien n’y faisait : Giteau en passant imposait son talent, sa marque, son sceau. Ce n’était pas seulement efficace, c’était beau. Parce que tout était juste, précis, presque parfait dans le dépouillement. Dans le bon tempo.
Pas besoin de casser les défenses, de les percuter. Giteau pèse comme pèse un kilo de plumes, mais les plumes, c’est quand même plus léger que le plomb. Il pèse dans le jeu et c’est sans aucun doute ce qui fait plier un adversaire plus sûrement qu’une obscure série de «pick and go». Giteau joue à ballon vole et par un agréable retour des choses redonne au rugby une légèreté dans son propos.
Entre Maso et Giteau, se situe Didier Codorniou. Petit gabarit, doigts de pianiste, appuis de danseur étoile, vista, regard précédant la passe, maîtrise du moindre intervalle, création d’espace. Codorniou était fort pour les autres. Personne n’a oublié sa merveille de passe pour Denis Charvet, lors de la finale 1989 entre Toulouse et Toulon. Le grand public n’a eu d’yeux que pour la traversée de Charvet, soixante-dix mètres de chevauchée solitaire ; les connaisseurs ont apprécié le coup de patte de Codor.
Lundi soir, la LNR organisait la Nuit du Rugby au Palais Brongniart. A la bourse des joueurs, Toulon, leader du CAC 14, s’est taillé la meilleure part : Steffon Armitage, Jonny Wilkinson et Matt Giteau étaient nommés, catégorie meilleur joueur. Il s’agissait de récompenser les héros de la saison passée. Jonny hérita du Trophée d’Honneur. Mais le meilleur donneur de ballons, le meilleur passeur, est à mes yeux, vous l’avez compris, Matt l’Aussie.
Giteau, davantage qu’un passeur, est un transmetteur. Il fait passer. Quoi donc ? Un courant, un message, et souvent un frisson dans les travées. Il transmet ce qu’Antoine Blondin appelait le «mot de passe», ce code qui vient à bout de la défense en reliant les partenaires. Détaché de toutes contingences, regardez comme il délie le jeu en délivrant son ballon. Tout s’ouvre quand il est titularisé à l’ouverture. Avec lui, le rugby redevient ce qu’on aime, à savoir un jeu.
Comme Maso et Codorniou, Giteau raconte qu’il est possible d’exister sur un terrain sans peser cent kilos, que le rugby d’aujourd’hui est aussi ludique que le rugby d’hier, qu’il n’est pas besoin d’entrer en collision plein fer, que les statistiques ne sont rien sans un brin de folie. A la façon de Paul Fort, il nous rappelle que le bonheur est dans le pré et qu’il faut vite y courir.
J’aimerais bien savoir qui fut, ami(e)s de ce Côté Ouvert, votre bon génie ? Celui des joueurs de votre enfance qui vous a donné envie de jouer au rugby ? Moi, c’était Jo Maso et son col relevé, ses passes dosées, sa course fluide, regard droit, détaché. Aujourd’hui, j’imagine que pour un gamin à qui on a demandé de porter un casque pour absorber les fracas, Matt Giteau est une source d’inspiration.
Ce joueur est un poème. Qui n’a pas imaginé tracer une action par le trait d’une passe de toutes les couleurs ? Regarder Giteau et se prendre à rêver. On scrutera son génie avec la palette, mais verra-t-on qu’il est habité par un fou-rire ? Il dit oui à ce qu’il aime, efface les pièges et, pour paraphraser Jacques Prévert, dessine au tableau noir. Il craie.

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L’axe du mieux

Ne vous y trompez pas, à Marcoussis, jusqu’à mercredi, il n’y aura pas que des exercices sans ballon, des entretiens individuels, des tests physiques et des évaluations physiologiques. Durant ce stage de préparation aux matches de novembre, PSA, Bru et Lagisquet cherchent aussi à voir comment ils peuvent assoir un axe central, cette fameuse articulation qui pense, construit et anime le jeu.
Vous l’avez noté, et parfois mieux que moi : depuis trois saisons, le Quinze de France est en déficit de jeu. Et qui en a la charge, du jeu ? Le trio 8-9-10, tiercé gagnant dans le désordre et dans l’ordre, triumvirat qui décide, triplette de belle vie, troïka pour les soirs de grand froid comme ceux qui s’avancent en novembre à l’heure du prime-time, soit juste au-dessus de zéro.
Louis Picamoles et Antonie Claassen ont eu leurs chances en bleu, le premier en puissance ne sait pas faire briller autour de lui, le second plus délié manque de densité. Charles Ollivon, profil à la Imanol, est encore un peu tendre. Du coup s’impose Damien Chouly. Lancé à Brive, découvert à Perpignan, ce troisième-ligne centre est aujourd’hui capitaine à Clermont – un signe qui ne trompe pas. Il évolue et fait avancer une équipe intelligente, joueuse, équilibrée, depuis trois journées en tête du Championnat.
Qui occupera le poste de demi de mêlée ? Ils sont au moins quatre : Maxime Machenaud et Morgan Parra ont longtemps eu les faveurs des sélectionneurs. Ils ont déçu. Arrivent Sébastien Tillous-Borde et Rory Kockott, deux casseurs de défense, deux costauds. L’un qui aime se mettre au service de l’équipe et de son ouvreur, ce qui est assez facile quand il s’agit de Jonny Wilkinson, Matt Giteau ou Fred Michalak. L’autre aime mettre ses qualités en avant et ouvrir les sillages. Ils sont à Marcoussis, en début de semaine, pour justement s’étalonner. PSA, Bru et Lagisquet, sans oublier Blanco, vont les regarder vivre au milieu de leurs coéquipiers et il serait étonnant qu’ils ne se retrouvent pas en bleu dans un peu plus d’un mois.
Reste à trouver l’ouverture. Là, avec le retour en grâce de François Trinh-Duc, l’absence notable et notée de Jules Plisson (présenté pourtant lors du Tournoi dernier comme la huitième merveille et déclassé après le court et triste succès en Ecosse), sans oublier la blessure longue durée de Frédéric Michalak, les cartes sont rebattues. Un an après sa dernière apparition en bleu (c’était face aux All Blacks, un 9 novembre), une nouvelle chance sera donnée à Camille Lopez, revenu à son meilleur niveau.
Dans sa carrière, riche de 49 sélections, François Trinh-Duc a eu l’immense avantage d’être le chouchou de Marc Lièvremont, qui l’a maintenu à la barre du XV de France contre vents et marées, bévues et contre-performances pendant presque quatre saisons avant de le lâcher dans les derniers instant de son mandat. Aujourd’hui, il tape dans l’œil de Serge Blanco qui apprécie son allant, son talent, son énergie créatrice. Après avoir surmonté pas mal de maux, et avant de savoir jusqu’où cette focale le placera, il aura son mot à dire à Marseille ou à Saint-Denis.
Qui paiera, en dix, les pots cassés en Australie sinon Rémi Talès, qui plus en dessous de la ligne de flottaison avec Castres, cette saison ? Les sélectionneurs n’oseront pas aligner en équipe de France la charnière du club lanterne rouge du Top 14 au risque d’être la cible des détracteurs dont le nombre, déjà très élevé, ne manquera pas de grossir encore plus en cas de défaite toujours possible face aux Fidjiens (ces nouveaux magiciens de notre Championnat), à Marseille, le 8 novembre prochain.
Ne vous y trompez pas, pour le staff technique tricolore, l’enjeu de ses prochaines journées n’est pas de trouver un triangle arrière ou une première ligne, mais bien d’imaginer quelle association de bienfaiteurs va pouvoir ordonner le grand chantier en jachère depuis le 11 novembre 2012 et cette victoire grand format, 33-6, face à des Australiens jaune pâle. C’était il y a deux ans. Déjà.

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