Il ne reste plus que l’Irlande pour nous redonner le sourire. L’Irlande, oui, mais seulement en cas de victoire. Et encore, ce n’est pas certain. Regardez ce qui tombe sur l’équipe de France après sa victoire à Edimbourg. Etriquée, miraculeuse, mais victoire quand même. J’en connais, des internationaux français de renom, qui auraient pourtant bien aimé l’emporter, même petitement, sur la pelouse boueuse de Murrayfield.
Mais ainsi va le rugby. Un public peut se lever pour une défaite et râler après un succès. Le score reste sur les tablettes quand tout est terminé depuis longtemps mais il ne raconte rien, finalement. Ou si peu. Il n’est pas obligatoirement ce que l’on vient chercher en match international. Il ne génère ni passion ni enthousiasme, sauf peut-être s’il s’agit d’une finale de Coupe du monde.
Battre les Anglais à la dernière seconde par un essai grand style, se débarrasser des Italiens en douze minutes et l’emporter à Murrayfield, voilà qui aurait fait, sans aucun doute, le bonheur de nombreuses équipes de France qui virent leurs Tournois se terminer dans les affres. A commencer par le XV de France version 2013 enfoncé, l’année dernière, dans un Six Nations de sables mouvants.
Le résultat n’est pas tout, donc. Ainsi, on ne joue pas pour gagner. Pas toujours, en tout cas. C’est vrai, je l’avoue, il n’y a pas grand-chose à garder d’Edimbourg. Une interception et une dernière action, bonifiée par un but de pénalité. Juste assez pour l’emporter. Mêlée, touche, attaque, défense, animation, jeu au pied ? Rien. Mis à part, allez, soyons magnanime, une relance, un grattage et un ruck, le dernier.
En 1982, le XV de France, tout aussi exsangue que celui-ci, à court d’idées et de puissance, battu partout – à Cardiff, puis par l’Angleterre au Parc des Princes et l’Ecosse à Murrayfield – un XV de France pourtant fort de Blanco, Rodriguez, Rives, Dintrans, Dubroca, Joinel, un XV de France entraîné par Jacques Fouroux, allait disputer son dernier match à Paris face aux Irlandais pour s’éviter une cuillère de bois, lesquels hommes en vert s’avançaient, eux, pour décrocher le Grand Chelem dans le sillage de leur ouvreur-buteur Ollie Campbell.
Pour s’opposer aux vieux guerriers, Fouroux avait rappelé ses briscards : Revailler, Paparemborde, Dospital et Imbernon devant ; derrière, Gabernet, Mesny, Fabre et Berbizier, du solide, du musclé. Pour l’emporter, 22-9, marquer deux essais à décoiffer James Joyce et renvoyer McNeil, Kiernan, O’Driscoll (déjà), Slattery, Lenihan, Keane, McLoughlin, Fitzgerald, Orr et tous les pénibles de la verte Erin vers Parnell Square en express.
On voit mal, en cette époque de groupe des trente, PSA convoquer dans l’urgence d’un match à gagner Morgan Parra et François Trinh-Duc pour reformer une charnière au nom de l’union sacrée et de la patrie en danger, sortir Lionel Nallet et Sébastien Chabal de la routine de leur ProD2 le temps d’un hymne et appeler hors de leurs retraites Aurélien Rougerie, Julien Bonnaire et même William Servat – qui pigeait il y a peu pour Toulouse. Sans parler d’Imanol Harinordoquy, Romain Millo-Chluski, Fabien Barcella, Frédéric Michalak, Jean-Baptiste Poux, Fabrice Estebanez, Arnaud Mela, Lionel Beauxis, Dimitri Yachvili, Julien Puricelli et toute la compagnie des glorieux.
Non, il a juste retenu le toujours un peu blessé Dimitri Szarzewski, l’ex-convalescent Bernard Le Roux et le puni Louis Picamoles. Cela dit, ami(e)s internautes, que faire de plus et de mieux quand votre troisième-ligne centre remplaçant, Antonie Claassen, décide en plein Tournoi qu’il est préférable de poser une semaine de RTT pour se marier en Afrique du sud plutôt que de se faire pourrir la vie à Marcoussis, qui plus est en chambre double ?
Le rugby d’aujourd’hui ne laisse aucune place à l’épique. Imaginez un instant cette victoire à Murrayfield commentée par Roger Couderc, magnifiée ensuite par Denis Lalanne. Et pas de vidéo pour repasser les passages à vide. L’interception d’Huget aurait les accents de Bayard ; la dernière action, celle du but de pénalité la beauté d’un chant de cygne, désespéré, se muant en succès. Je sais, je m’égare. L’ère est au sms, au twitt, au clic ; à l’instantané et au replay ad lib. Un succès à Murrayfield ? Ctrl. Alt. Suppr.
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