Bhashtag


Etait considéré comme fameux (on disait plutôt faire sa vedette) à l’époque où le ballon était en cuir avec deux bouts noirs celui qui pouvait chanter (même faux, n’est-ce pas Jo Maso ?) dans une émission de télévision animée par Jacques Chancel, aux côtés de Hugues Aufray, Johnny Halliday, Marcel Amont et Sacha Distel, impact-players des troisièmes mi-temps rue Princesse.
Lorsque le sport français a conquis la planète en mondovision porté par une génération dorée, il fallait tout le panache blond de Jean-Pierre Rives, et même un peu plus, pour faire – une première dans le rugby – la couverture glacée des magazines people et tenir son rang dans le cœur du grand public, à l’égal d’Alain Prost, de Yannick Noah et de Michel Platini, excusez du peu.
Puis c’est en s’improvisant mannequin et défilant pour divers couturiers de renom que Frédéric Michalak a repoussé les frontières de la notoriété ovale. Il est allé là où personne n’avait osé marcher avant lui, portant diamant à l’oreille, enregistrant ses propres compositions à la guitare, soutenant des opérations caritatives.
Survint ensuite l’ère Sébastien Chabal, celle d’internet, des montages vidéos sur sites saturés de métal hurlant. Plus de trois millions de visites pour deux claques assénées aux All Blacks lors d’une tournée grand guignol. Chabal devenu l’icône de la ménagère de moins de cinquante ans, égérie de la Coupe du monde 2007 retransmise par TF1, cette chaîne qui «vend du temps de cerveau humain disponible», dixit M. Le Lay, son ex-directeur.
Nous sommes aujourd’hui dans la période Twitter, cet infra-message de 140 signes balisé de hashtag – ça ne se fume pas. Dimanche, Mathieu Bastareaud a été détourné en idole de la blogosphère par la grâce d’une passe allongée sortie de son contexte, transformé en serre-livre, en toréador, en danseur de claquettes, en joueur de harpe, en astronaute, série en cours. Drôle et rafraîchissant.
La veille de France-Italie, après le petit déjeuner, il s’est laissé prendre au jeu et en photo dans le couloir de Marcoussis, devant sa chambre, oubliant l’interdiction faite aux joueurs du XV de France de twitter pendant leurs séjours dans l’Essonne. A la fin du match, gagné, au moment de célébrer le trophée Garibaldi, vingt kilos de ferraille sculptée par Jean-Pierre Rives, si, si, celui qui posait pour Paris Match avec un coq dans les bras en 1981, il a remis ça.
Dimanche, chaque fois qu’il a touché le ballon – à sept reprises – Bastareaud a été salué d’un râle. Le Stade de France a voté, pouce levé : il le veut en bleu pour le voir foncer droit et emporter deux adversaires, parfois trois, au jeu de culboto, qui s’apparente de loin au rugby. Sur l’une de ces charges, Fofana a ramassé prestement le ballon pour s’en aller marquer. Sur les six autres, il ne s’est pas passé grand-chose, à part que l’attaque française s’est arrêtée – là où Basta est tombé – avant de repartir, mollement.
Pendant ce temps, Gaël Fickou piaffait en tribune. Il n’est entré en jeu qu’à la 73e, une fois l’équipe de France réduite à treize. Fickou-Fofana. Cette association de centres, j’en rêve. Je ne suis pas le seul. Alors si les geeks mobilisent la technologie contemporaine au service d’un mange-ballon, il serait peut-être temps que les amoureux du beau jeu se fassent entendre. Par quel moyen, quel support, quel réseau social ? Je n’en sais fichtre rien. Mais au moins faire écran.

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