Plus dur


Battre les Sud-Africains a toujours été l’apanage des grandes, des très grandes équipes de France dans l’histoire du rugby. Un défi, un challenge, écrit-on aujourd’hui. Je n’étais même pas en âge d’armer ma première passe que mon père lisait un combat, un très grand combat, celui de Denis Lalanne. Ça se passait en Afrique du sud. En 1958. J’étais alors juste une étincelle dans ses yeux.
Pendant quatre-vingt saisons, les Sud-Africains ont été champions du monde. Bien avant l’heure du trophée Web Ellis. Eux et pas les All Blacks, même si ça peut paraitre étonnant à travers notre grille de lecture actuelle. Dans l’imaginaire et dans les années 50, ils étaient «les Rugbymen du Diable». Durs au mal. Comme si vous aviez à faire tomber un bloc de marbre. Ils étaient athlétiques avant l’heure de la salle de musculation, jouaient dans les défenses, privilégiaient le gain de la ligne d’avantage, multiplaient les temps de jeu et les regroupements. Le rugby moderne, quoi…
Seuls quatre capitaines français sont parvenus à vaincre les Springboks chez eux : Lucien Mias en 1958 et Olivier Roumat en 1993 lors d’une série de tests et, sur un test unique, Michel Crauste en 1964 et Fabien Pelous en 2006. Quatre exploits majuscules (merci les blogueurs), quatre aventures humaines à jamais gravées. Pour l’emporter, des hommes de fer : Roques, Marquesuzaa, Barthe, Vigier en 1958 ; André Herrero, Walter Spanghero, Dauga, Gruarin en 1964 ; Benetton, Cécillon, Merle, Armary en 1993; De Villiers, Marconnet, Betsen, Harinordoquy en 2006.
Plus près de nous, le test de Toulouse nous parle : pour l’emporter face aux Springboks – ceux-là étaient auréolés d’un titre de champions du monde – il faut leur briser les reins en mêlée : Nicolas Mas le sait. Les piétiner sous les groupés-pénétrants : Louis Picamoles et Dimitri Szarzewski, qui était aussi du succès de 2006, n’ont pas oublié. Mettre tous les points au pied : Morgan Parra va bien astiquer sa chaussure gauche. Défendre en fermant ses plaquages : Maxime Médard est de ceux-là.
C’est ainsi que Thierry Dusautoir, déjà de la victoire au Cap en 2006, pourra devenir, dans l’histoire bleue, le premier capitaine à doubler les exploits face aux Boks. Après 2009 faire tomber, samedi, les Springboks à Saint-Denis, sera l’un des succès les plus marquants du quinze de France. Car cette phalange sud-africaine s’avance comme celle de 1952, sûre d’elle, implaquable, dévastant tout sur son passage. On ne lui trouve pas de faille, pas de point faible.
Lancés, ces Springboks enchaînent sans temps morts les percussions et obligent les défenseurs à s’y mettre à deux, voire à trois, pour les arrêter à chaque fois. Puis ils laissent l’adversaire se découvrir pour mieux le transpercer en contre, sur quatre-vingt mètres. Personnellement, en ce mois de novembre, ils m’impressionnent davantage que les All Blacks. Ils forment bloc fait d’un alliage de vitesse et de force.
Battre cette Afrique du sud, victorieuse sans ciller des Gallois et des Ecossais, serait le succès fondateur d’une équipe de France qui recevra deux mois et demi plus tard l’Angleterre au Stade de France dans le cadre du Tournoi des Six Nations 2014. Les vainqueurs, samedi soir, marqueraient aussi des points précieux dans l’optique du Mondial 2015. Et on ne parle pas de l’effet miroir qui ne manquera pas d’éclairer cette rencontre à la lumière du résultat de mardi, celui des Bleus, les autres, ceux du ballon rond.

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