Visions d’une synthèse

Pour trouver quinze propositions, les douze membres de la cellule technique n’ont pas forcé le trait, même si présenter l’amélioration de la qualité des terrains comme une des clés de la réussite prochaine du XV de France pousse plutôt à sourire. Ainsi, si l’on en croit la circulaire, la professionnalisation des jardiniers du Top 14 serait une des solutions miracles pour permettre à l’équipe nationale de devenir, un jour prochain, championne du monde. Plus sérieusement la systématisation de pelouses hybrides pour favoriser le jeu durant l’hiver est en marche.
Quand nous avons reçu, comme nos confrères, le jeudi 7 avril, la «synthèse du rapport des mesures proposées par la cellule technique», j’ai cru que je m’étais trompé d’une semaine. «Elargir la feuille de match» ? A qui, à quoi ? Plus de jeunes joueurs ? Passer à dix remplaçants ? Et demain à quinze, soit deux équipes ? «Faire respecter les obligations légales des entraîneurs et des éducateurs» ? Il y aurait donc dans l’élite des entraîneurs sans diplômes officiels et pour autant rémunérés ? Sans parler d’ «harmoniser les arbitrages». Pourquoi donc un pluriel ? Il y aurait donc plusieurs arbitrages au sein d’une fédération pour un même règlement ? Et bien oui: nos arbitres ne sifflent pas de la même façon en Top 14, en Coupes d’Europe, en test-matches et en Coupe du monde. Autant dire nettoyer les écuries d’Augias.
Au chapitre des propositions déjà expérimentées, et sans aucun succès, on découvre la communication d’une liste de trente joueurs «élite» et de son pendant «développement». Soit soixante noms. Ce qu’avait fait Philippe Saint-André, avant de s’apercevoir qu’il s’agissait autant d’un fil à la patte que d’une mesure cosmétique. Quid des talents qui éclosent, des hommes en forme, des surprises, de révélations ? Quant au «contrat objectif partagé», et «personnalisé», il existe déjà entre le staff tricolore et les sélectionnés. Pourquoi donc le formaliser ?
«L’intersaison adaptée au niveau de sollicitation du joueur», compte tenu des vacances obligatoires à prendre et ajouté à la «mise à disposition étendue», ainsi qu’à la «période de régénération», aurait mérité un pavé dans l’amer, du type «contrat fédéral pour les internationaux sur la durée du Tournoi des Six Nations». Tout le monde tourne autour, les joueurs l’appellent de leurs vœux mais ne souhaitent pas le faire savoir, et pour en avoir discuté «off» avec plusieurs interviewés de cette cellule technique, je me demande bien pourquoi cette proposition n’a pas été retenue. Et bien parce que les présidents de Top 14 crient haro et se voient comme les grands perdants de ce nous rapport de force.
Alors pour calmer leur ire, il aurait été décidé de réévaluer la compensation financière aux clubs et surtout, adapter ce «salary cap» qui permet de recruter des stars mondiales, type Carter, Genia et Nonu, sans que leurs émoluments ne soient pris en compte dans l’enveloppe budgétaire. Ou alors que celle-ci soit augmentée en proportion du nombre d’internationaux happés par le XV de France. Voilà bien l’image du rugby français : favoriser les intérêts individuels plutôt que le bien commun. Cela dit, ce n’est pas propre au rugby. Mais on aimerait que la société s’inspire de notre sport plutôt que l’inverse, ce que je garde comme vœu pour la fin de l’année.
Dans le genre opaque, au thème «Jeu», j’ai apprécié la proposition «évolution des championnats professionnels.» Personne ne sait vraiment à quoi cela fait référence : réduction ou augmentation du nombre de clubs dans l’élite ? Match de barrage pour la descente/montée ? Ou pas. En revanche, dans le thème «Formation» les trois propositions «évolution du dispositif JIFF», «refonte de la compétition Espoir» et «optimisation du temps de jeu des jeunes joueurs» ouvrent quelques perspectives. Pas sûr que ce soit assez cependant pour protéger nos talents juniors. Mais c’est au moins un début.
J’aurais surtout aimé qu’on ajoute à cette synthèse étique la création d’une équipe nationale Espoirs pour les 20-23 ans, avec organisation de tournées, stages et suivi. C’est précisément à cet âge-là que les espoirs s’effacent, que certains disparaissent. On notera que ces propositions sont «respectueuses de la structuration existante du Rugby français et de son équilibre économique.»
J’engage – façon de parler, je n’ai pas de budget – chacun d’entre vous à livrer ici en commentaire une proposition. Pas deux, pas dix, pas treize, pas quinze. Non, juste une chacun. Celle qui vous semble la plus décisive pour «améliorer la performance du XV de France».  Je vous propose, à l’instar de la cellule technique, de réfléchir à trois thèmes : la gestion des joueurs internationaux ; la formation et le jeu. 
Lundi 18 avril, vos 17 propositions les plus marquantes seront publiées sur le site de L’Equipe.

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